Grégoire de Nazianze, le théologien, le chantre de la lumière, Père de l'Eglise
Grégoire de Nazianze
Le théologien, le chantre de la lumière
Le troisième des pères cappadociens ami de Basile de Césarée, probablement né vers 329 à Nazianze, ville moyenne de Cappadoce (Actuelle Turquie) sur une route importante entre Constantinople et Antioche, issu d’une famille de notable, sa mère était chrétienne et son père un converti fut évêque pendant 45 ans .A l’âge de 12 ans il est envoyé à Césarée pour y suivre un enseignement en littérature grecque. Ensuite, il continue sa formation, il voyage et se retrouve à Césarée maritime ou se trouve bibliothèque d’Origène, puis à Alexandrie et Grégoire achève ses études à Athènes. C’est là qu’il retrouve Basile avec qui il se lie d’amitié. Grégoire et Basile étaient brillants et il était question de faire d’eux des professeurs de rhétorique et littérature. Mais la vie contemplative restait le désir profond de Basile et Grégoire. Grégoire fut un temps professeur à Athènes puis revint à Nazianze.
Alors qu’il envisageait une vie de philosophe, centrée sur la prière et la lecture sacrée, Grégoire est ordonné prêtre – contre son gré – par son père qui a besoin d’un collaborateur.
Au lendemain de son ordination, il part rejoindre Basile pour « digérer son chagrin », avant de revenir, l’année suivante, à Pâques 362, à Nazianze. Alors que l’Église se trouve dans la tourmente du fait de la crise arienne, Basile, qui est devenu évêque de toute la Cappadoce, consacre Grégoire évêque en 372, alors même que celui-ci ne le souhaitait pas. Nommé à Sasimes, il ne prendra jamais possession de ce siège épiscopal. L’empereur Valens favorable aux ariens avaient scindé les provinces en deux afin de pouvoir y mettre des évêques ariens mais Basile créa de nouveaux évêchés afin d’y mettre des évêques nicéens (orthodoxes) et c’est dans cette optique qu’il ordonna Grégoire de Nazianze malgré lui.
Fâché contre Basile, qu’il accuse de l’avoir sacrifié en raison d’une lutte de pouvoir, il se retire dans le désert. Après la mort de son père, il va ainsi vivre quatre ans de vie cénobitique. Au terme de cette période, il est appelé à Constantinople pour guider la petite communauté chrétienne encore fidèle à la foi de Nicée, tandis que la ville est dirigée par un évêque arien. Son enseignement, dans lequel il défend et explique la doctrine trinitaire telle que proclamée par le concile de Nicée, se fait remarquer. En 380, il devient, à la demande du nouvel empereur (nicéen), Théodose Ier, évêque de la ville. L’empereur fait du christianisme nicéen la religion officielle et rend aux orthodoxes toutes les églises occupées par les ariens.
L’année suivante, se tient le concile mouvementé de Constantinople. La présidence de ce concile est assurée par Mélèce, l’évêque d’Antioche. Nous sommes dans un contexte difficile de schisme entre l’Eglise d’Antioche et l’Eglise d’Alexandrie. Mélèce est soutenu par les Cappadociens tandis que d’autres sont soutenus par l’évêque d’Alexandrie et Rome. A partir de 362, il y a trois métropolites pour un seul siège épiscopal : Un arien, Mélèce, métropolite légitime exilé et Paulin .Ces deux derniers sont orthodoxes. Grégoire de Nazianze devient président de l’assemblée, les évêques égyptiens lui sont très opposés et lui font des difficultés. Amer il quitte le concile et démissionne de son siège épiscopal de Constantinople et revient à Nazianze. Là il installe un de ses cousins comme évêque et se retire dans son village natal d’Arianze.
Personnalité
Grégoire de Nazianze était une personnalité douce, sensible, supportant difficilement les débats hostiles et stériles, les intrigues ecclésiastiques, … pour cette raison, il quitte le concile de Constantinople de plus il n’avait pas le sens de l’organisation. On y discerne d'un bout à l'autre une perpétuelle hésitation entre la vie solitaire et la vie active, un manque de fermeté dans les décisions, un manque d'adaptation aux relations sociales. Ordonné prêtre, puis évêque, contre sa volonté, il réagira à ces actes de « tyrannie », comme il dit lui-même, par des fuites dans la solitude.
Dans ses écrits, nous y trouvons les échos de ses souffrances, de ses colères, de ses hésitations :
« Nous avons divisé le Christ, nous qui aimons tant Dieu et le Christ !Nous nous sommes mentis les uns aux autres à cause de la Vérité ,nous avons nourri des sentiments de haine à cause de l’Amour ,nous nous sommes divisés les uns les autres ..» (oratio 6,3)
« Ô Christ-Roi, pourquoi m'as-tu pris à ce filet de chair ? Pourquoi m'as-tu soumis à cette vie hostile ? J'ai été agité sur les flots, je fus en butte à des gens avides, je vis mon corps brisé, j'eus à lutter contre des pasteurs en qui hélas ! je ne trouvai pas d'amis, je rencontrai l'infidélité, en m'éloignant des maux, je perdis mes enfants. » À cette âme délicate, un peu faible, blessée par la vie, le recueillement apporte le salut. Grégoire se compare au nautile qui, à l'approche de la tempête, se resserre et se recueille sur lui-même : « Rien ne me paraît aussi enviable, dit-il, que l'entretien secret de l'âme avec elle-même et avec Dieu. » Tel est le sens de cette nostalgie de la solitude qui sera la grande passion de sa vie.
Il est avec saint Augustin un des rares pères à s’exprimer en ‘je’. Dans ces poèmes, lettres et discours.
Maîtrisant très bien la rhétorique grecque, la langue, il contribua à inculturer la foi chrétienne dans l’hellénisme. Il contribua à la naissance d’une littérature chrétienne grecque …
Œuvres théologiques :
La pensée théologique de Grégoire s’exprime de façon poétique et hymnique que dialectique ou conceptuelle.
En proie non seulement aux intrigues ecclésiastiques entre Alexandrie et Constantinople et Antioche, il eut à défendre l’orthodoxie contre l’arianisme, l’apollinarisme et le paradoxe Trinitaire allant plus loin que son ami Basile proclamant la divinité du Saint Esprit.
Il exprima avec clarté sa pensée sur la Trinité….
La notion de Trinité transcende l'opposition entre l'unité et la multiplicité, comme celle qui existe entre les deux erreurs du judaïsme et du paganisme : Dieu est un, par le fait même qu'il subsiste en trois hypostases, hypostases qui correspondent aux relations intérieures et aux caractéristiques personnelles qui diversifient sans la diviser l'essence divine. Grégoire est le premier à définir les hypostases par les expressions d'innascibilité (Qualité de ce qui ne peut avoir de naissance ou ne peut naître), de génération et de procession, qui conviennent respectivement au Père, au Fils et à l'Esprit-Saint. Il affirme, avec beaucoup plus de fermeté et de clarté que Basile de Césarée, la divinité de l'Esprit-Saint et, d'une manière générale, il insiste avec vigueur sur l'égalité absolue des personnes divines. Ce qui fera le fond de la doctrine augustinienne de la Trinité est déjà présent chez Grégoire. Il s'ensuit d'ailleurs une transformation radicale de la cosmologie chrétienne : jusque-là, on avait lié, plus ou moins consciemment, la création du monde à la génération du Fils, le Verbe créateur, « émis » pour produire les choses ; cette fois, c'est toute la Trinité qui est indivisiblement créatrice, et son acte créateur est totalement gratuit. (encyclopédia universalis)
Grégoire fit resplendir la lumière de la Trinité, il est surnommé le chantre de la lumière divine, nous lui devons quelques prières à la Trinité dont cette hymne vespérale :
« Nous te bénissons, triple Lumière, tu as donné consistance à la matière, en y façonnant le visage du monde et la forme de sa beauté. Tu as éclairé l’esprit de l’homme, lui donnant raison et sagesse. Partout se retrouve le reflet de la lumière éternelle, pour que, dans la lumière, l’homme découvre sa splendeur et, tout entier, devienne lumière. Tu as éclairé le ciel de lumières diaprées. A la nuit et au jour, tu as commandé d’alterner en paix, leur donnant comme règle une fraternelle amitié. La première met un terme aux labeurs de notre corps, l’autre nous éveille au travail, aux affaires qui nous importent. Nous fuyons les ténèbres et nous nous hâtons vers le jour auquel la tristesse d’aucune nuit ne peut mettre fin. Accorde, ô Christ, à mes paupières la grâce d’un sommeil léger, accorde-la pour que ma voix ne demeure pas longtemps muette. Christ, ta création veillera pour psalmodier avec les anges. Fais que mon sommeil en tout temps soit habité par ta présence. Amen. »
Grégoire souligne la pleine humanité du Christ :
Dans le conflit christologique suscité par Apollinaire de Laodicée dans deux lettres adressées à Clédonius (Lettres 101 et 102). Grégoire a eu l'art de choisir les formules nettes qui serviront de canon à l'orthodoxie : « Deux natures : le Dieu et l'Homme, mais pas deux Fils » ; « Les réalités qui composent le Sauveur sont différentes, mais il ne s'ensuit pas qu'il y ait deux Sauveurs différents ; car les deux choses sont unes par le mélange qui les unit, Dieu s'humanisant, l'Homme se divinisant. » Apollinaire niant que le Christ avait une âme humaine or Grégoire se référant à saint Athanase exprime que ‘ce qui n’est pas assumé n’est pas sauvé'.
« Cherchons à être comme le Christ, car le Christ est lui aussi devenu comme nous : cherchons à devenir des dieux grâce à Lui, du moment que Lui-même, devenu homme. Il assuma le pire, pour nous faire don du meilleur « (oratio1,5)
Solidarité avec les pauvres
Dans un magnifique discours, Grégoire rappelle que, comme personnes humaines, nous devons être solidaires les uns des autres (Discours XIV 26)
L’homme doit imiter la bonté et l’amour de Dieu : « Deviens un dieu pour le pauvre imitant la miséricorde de Dieu »
« Si tu es sain et riche ,soulage les besoins de celui qui est malade et pauvre ;si tu n’es pas tombé ,secours celui qui a chuté et qui vit dans la souffrance ;si tu es heureux console celui qui est triste ; si tu as de la chance ,aide celui qui est poursuivi par le mauvais sort .Donne à Dieu une preuve de reconnaissance ,car tu es l’un de ceux qui peuvent faire du bien, et non de ceux qui ont besoin de recevoir Sois riche non seulement de bien mais également de piété ,pas seulement d’or ,mais de vertus …Dépasse la réputation de ton prochain en te montrant le meilleur que tous ; fais toi dieu pour le pauvre imitant la miséricorde de Dieu »
Grégoire rappelle que comme personnes humaines nous sommes tous solidaires les uns des autres : « Nous sommes tous un dans le Seigneur, riches et pauvres, esclaves et personnes libres, personnes saines et malades ; et la tête dont tout dérive est unique : Jésus Christ. Et comme le font les membres d’un seul corps, que chacun s’occupe de chacun, et tous de tous … » (cité dans Benoit XVI audience catéchèse sur Grégoire de Nazianze)
Contemplatif
Epris de solitude et de contemplation Grégoire rappelle l’importance et la nécessité d’une vie intérieure et de prière : « Il est nécessaire de se rappeler Dieu plus souvent que l’on respire … »
« Nous Te bénissons maintenant, ô mon Christ, Verbe de Dieu, Lumière de la Lumière sans commencement, dispensateur de l'Esprit. Nous Te bénissons, Triple lumière de la gloire indivise. Tu as vaincu les ténèbres et produit la lumière afin de tout créer en elle. Tu as donné consistance à la matière en y façonnant le visage du monde et la forme de sa beauté. Tu as éclairé l'esprit de l'homme en lui donnant raison et sagesse. Partout se retrouve le reflet de la Lumière éternelle, pour que, dans la lumière, l'homme découvre la splendeur et tout entier devienne lumière. Tu as éclairé le ciel de lumière diaprées. A la nuit et au jour, Tu as commandé d'alterner en paix, leur donnant comme règle une fraternelle amitié. La nuit met un terme aux labeurs de notre corps, le jour nous éveille au travail, aux affaires qui nous préoccupent. Mais nous fuyons les ténèbres, vers le Jour sans déclin nous nous hâtons, vers le Jour qui jamais ne connaîtra la tristesse du crépuscule. Accorde à mes paupières un sommeil léger, pour que ma voix ne reste pas longtemps muette. Ta Création veillera pour psalmodier avec les Anges. Que mon sommeil toujours soit habité de Ta présence. Que la nuit ne retienne rien des souillures du jour passé. Que les folies de la nuit ne viennent point peupler mes songes. Même séparé du corps, l'esprit, ô Dieu, Te chante : « Père et Fils et Saint-Esprit, à Toi honneur, gloire et puissance, dans les siècles des siècles ». Amen. »
"Tu as une tâche, mon âme, une grande tâche si tu le veux. Scrute-toi sérieusement, ton être, ton destin; d'où tu viens et où tu devras aller; cherche à savoir si la vie que tu vis est vie ou s'il y a quelque chose de plus. Tu as une tâche, mon âme, purifie donc ta vie: considère, je te prie, Dieu et ses mystères, recherche ce qu'il y avait avant cet univers et ce qu'il est pour toi, d'où il vient, et quel sera son destin. Voilà ta tâche, mon âme, purifie donc ta vie" (Carmina [historica] 2, 1, 78: PG 37, 1425-1426).
Le saint Evêque demande sans cesse de l'aide au Christ, pour être relevé et reprendre le chemin: « J'ai été déçu, ô mon Christ, en raison de ma trop grande présomption: des hauteurs je suis tombé profondément bas. Mais relève-moi à nouveau à présent, car je vois que j'ai été trompé par ma propre personne; si je crois à nouveau trop en moi, je tomberai immédiatement, et la chute sera fatale" (Carmina [historica] 2, 1, 67: PG 37, 1408).
« Dieu est la source de lumière, la lumière sans nom, inaccessible, fuyant l’intelligence qui s’en approche à toute vitesse, qui échappe à toute pensée afin que nous aspirions toujours par nos désirs vers les hauteurs…. L’Esprit Saint fait de moi un temple, il me divinise et me conduit à la perfection. »
Pour aller plus loin :
Mgr Hilarion Alfeyev, le chantre de la lumière,
introduction à la spiritualité de Grégoire de Nazianze ed cerf
sous diacre Emile
Audience Générale du 8 août 2007: Saint Grégoire de Nazianze (1) | BENOÎT XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE Saint Grégoire de Nazianze Chers frères et sœurs! Mercredi dernier, j'ai parlé d'un grand maître de la foi, le Père de l'Eglise saint Basile. Aujourd'hui, je voudrais parl...
https://www.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2007/documents/hf_ben-xvi_aud_20070808.html
Audience Générale du 22 août 2007: Saint Grégoire de Nazianze (2) | BENOÎT XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE Salle Paul VIMercredi 22 août 2007 Saint Grégoire de Nazianze Chers frères et sœurs, Dans le cadre des portraits des grands Pères et Docteurs de l'Eglise que je cherche à ...
https://www.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2007/documents/hf_ben-xvi_aud_20070822.html