saint Jean Damascène, Père de l'Eglise

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Saint Jean Damascène

 

Jean Mansour né vers 676  à Damas mort le 5 décembre 749, a vécu dans  une époque charnière d’un ‘point de vue géopolitique’ avec l’expansion de l’islam.  Il représente surtout un témoin oculaire du passage de la culture chrétienne grecque et syriaque, commune à la partie orientale de l'Empire byzantin, à la culture de l'islam, qui s'est imposée grâce à ses conquêtes militaires sur le territoire reconnu habituellement comme le Moyen ou le Proche Orient. Jean, né dans une riche famille chrétienne, assuma encore jeune la charge - remplie déjà sans doute par son père - de responsable économique du califat. En 700, le calife décide d’islamiser son administration  et très vite, insatisfait de la vie de la cour, il choisit la vie monastique, en entrant dans le monastère de Saint-Saba, près de Jérusalem. Jérusalem avec la restauration du patriarcat est devenu un centre chrétien important. C'était aux environs de l'an 700. Devenu prêtre, il prend le nom de Jean et partage désormais sa vie entre la prédication à Jérusalem où le patriarche l’a choisi comme conseiller théologique et l’étude dans son monastère.

Ne s'éloignant jamais du monastère, il consacra toutes ses forces à l'ascèse et à l'activité littéraire, ne dédaignant pas une certaine activité pastorale, dont témoignent avant tout ses nombreuses Homélies. 

La crise iconoclaste, la vénération de l’icône

Eclate une querelle assez violente au sein de l’empire byzantin (avec l’influence de l’isam ?) sur la question de la vénération des icônes.

Est-il juste de représenter le Christ, la Vierge et les saints ? Voilà l’objet de la crise iconoclaste qui secoue l’Église à partir de 730, lorsque l’empereur byzantin Léon III interdit le culte des images par un édit, plus tard confirmé par le concile de Hiéreia (754). S’il faut une intervention de l’Empereur, c’est donc qu’en ce début de VIIIsiècle, la pratique est bien ancrée chez les chrétiens, qui ont coutume d’orner les murs des églises de fresques figuratives et de peindre des icônes en bois pour les exposer dans leurs maisons et lors de processions dans les rues de Constantinople.

En effet, cette querelle, qui dura plus d’un siècle, fut d’une grande violence : « Non seulement elle divisa profondément l’Église, les deux camps étant successivement frappés d’anathèmes, les moines iconophiles persécutés, mais l’essentiel des œuvres antérieures à cette période fut détruit. » Les icônes les plus anciennes datant du VIe siècle proviennent ainsi des provinces éloignées de la capitale byzantine, notamment du monastère Sainte-Catherine du Sinaï.

Selon les iconoclastes, le culte des images serait idolâtre, bravant la loi de Moïse : « Tu ne feras aucune idole, aucune image de ce qui est là-haut dans les cieux, ou en bas sur la terre, ou dans les eaux par-dessous la terre. » (1) À cette critique s’ajoute peut-être « l’influence de l’islam, religion aniconique en plein essor, et le fait que la vénération des icônes soit pour une bonne part domestique, c’est-à-dire l’affaire des femmes »,

 De jean Damascène, en Orient, on se souvient surtout de ses trois Discours pour légitimer la vénération des images sacrées, qui furent condamnés, après sa mort, par le Concile iconoclaste de Hiéria (754). Mais ces discours furent également le motif fondamental de sa réhabilitation et de sa canonisation de la part des Pères orthodoxes convoqués par le second Concile de Nicée (787), septième Concile œcuménique. Dans ces textes, il est possible de retrouver les premières tentatives théologiques importantes de légitimer la vénération des images sacrées, en les reliant au mystère de l'Incarnation du Fils de Dieu dans le sein de la Vierge Marie.

Jean Damascène fut, en outre, parmi les premiers à distinguer, dans le culte public et privé des chrétiens, l'adoration (latreia) de la vénération (proskynesis): la première ne peut être adressée qu'à Dieu, suprêmement spirituel, la deuxième au contraire peut utiliser une image pour s'adresser à celui qui est représenté dans l'image même. Bien sûr, le saint ne peut en aucun cas être identifié avec la matière qui compose l'icône. Cette distinction se révéla immédiatement très importante pour répondre de façon chrétienne à ceux qui prétendaient universel et éternel l'observance de l'interdit sévère de l'Ancien Testament d'utiliser des images dans le culte. Tel était le grand débat également dans le monde islamique, qui accepte cette tradition juive de l'exclusion totale d'images dans le culte. Les chrétiens, en revanche, dans ce contexte, ont débattu du problème et trouvé la justification pour la vénération des images. Damascène écrit: « En d'autres temps, Dieu n'avait jamais été représenté en image, étant sans corps et sans visage. Mais à présent que Dieu a été vu dans sa chair et a vécu parmi les hommes, je représente ce qui est visible en Dieu. Je ne vénère pas la matière, mais le créateur de la matière, qui s'est fait matière pour moi et a daigné habiter dans la matière et opérer mon salut à travers la matière. Je ne cesserai donc pas de vénérer la matière à travers laquelle m'a été assuré le salut. Mais je ne la vénère absolument pas comme Dieu! Comment pourrait être Dieu ce qui a reçu l'existence à partir du non-être?... Mais je vénère et respecte également tout le reste de la matière qui m'a procuré le salut, car pleine d'énergie et de grâces saintes. Le bois de la croix trois fois bénie n'est-il pas matière? L'encre et le très saint livre des Evangiles ne sont-ils pas matière? L'autel salvifique qui nous donne le pain de vie n'est-il pas matière?.... Et, avant tout autre chose, la chair et le sang de mon Seigneur ne sont-ils pas matière? Ou bien tu dois supprimer le caractère sacré de toutes ces choses, ou bien tu dois accorder à la tradition de l'Eglise la vénération des images de Dieu et celle des amis de Dieu qui sont sanctifiés par le nom qu'ils portent, et qui, pour cette raison, sont habités par la grâce de l'Esprit Saint. N'offense donc pas la matière: celle-ci n'est pas méprisable; car rien de ce que Dieu a fait n'est méprisable" (Contra imaginum calumniatores, I, 16, ed; Kotter, pp. 89-90). Nous voyons que, à cause de l'incarnation, la matière apparaît comme divinisée, elle est vue comme la demeure de Dieu. Il s'agit d'une nouvelle vision du monde et des réalités matérielles. Dieu s'est fait chair et la chair est devenue réellement demeure de Dieu, dont la gloire resplendit sur le visage humain du Christ. C'est pourquoi, les sollicitations du Docteur oriental sont aujourd'hui encore d'une très grande actualité, étant donnée la très grande dignité que la matière a reçue dans l'Incarnation, pouvant devenir, dans la foi, le signe et le sacrement efficace de la rencontre de l'homme avec Dieu. Jean Damascène reste donc un témoin privilégié du culte des icônes, qui deviendra l'un des aspects les plus caractéristiques de la théologie et de la spiritualité orientale jusqu'à aujourd'hui. Il s'agit toutefois d'une forme de culte qui appartient simplement à la foi chrétienne, à la foi dans ce Dieu qui s'est fait chair et s'est rendu visible. L'enseignement de saint Jean Damascène s'inscrit ainsi dans la tradition de l'Eglise universelle, dont la doctrine sacramentelle prévoit que les éléments matériels issus de la nature peuvent devenir un instrument de grâce en vertu de l'invocation (epiclesis) de l'Esprit Saint, accompagnée par la confession de la foi véritable.

Il reprendra les mêmes idées pour la vénération des reliques des saints : "Tout d'abord, nous vénérons  ceux parmi lesquels Dieu s'est reposé, lui le seul saint qui se repose parmi les saints (cf. Is 57, 15), comme la sainte Mère de Dieu et tous les saints. Ce sont eux qui, autant que cela est possible, se sont rendus semblables à Dieu par leur volonté et, par l'inhabitation et l'aide de Dieu, sont dits réellement dieux (cf. Ps 82, 6), non par nature, mais par contingence, de même que le fer incandescent est appelé feu, non par nature mais par contingence et par participation du feu. Il dit en effet: Vous serez saint parce que je suis saint (Lv 19, 2)" (III, 33, col. 1352 A). »

La création est belle et bonne

 Notre foi elle aussi commence avec l’émerveillement de la création, de la beauté de Dieu qui se rend visible. L’optimisme de la contemplation naturelle (physikè theoria), de ce fait de voir, dans la création visible, le bon, le beau, le vrai, cet optimisme chrétien n’est pas un optimisme naïf : il tient compte de la blessure infligée à la nature humaine par une liberté de choix, voulue par Dieu, et utilisée de façon impropre par l’homme, avec toutes les conséquences d’un désordre répandu, qui en sont les conséquences. D’où l’exigence perçue clairement par le théologien de Damas, que la nature dans laquelle se reflètent la bonté et la beauté de Dieu, mais qui y ont été blessées par notre faute, ‘est renforcée et renouvelée’ par la descente du Fils de Dieu dans la chair… Nous voyons, d’une part, la beauté de la création, et d’autre part, la destruction opérée par la faute de l’homme. Mais nous voyons dans le Fils de Dieu, qui descend pour renouveler la nature, la mer de l’amour de Dieu pour l’homme. (Benoit XVI sur Jean Damascène)

Nous trouvons de très belles homélies sur La Vierge Marie

« Ô Notre-Dame, Mère de Dieu, par qui l'Eternel est né, l'Absolu devient et l'Eternel grandit ! Salut, Ô Notre-Dame, Mère de Dieu, par qui l'Incorporel s'incarna pour nous, l'Intemporel commence et l'Inaccessible est contenu ! Salut, Ô Notre-Dame, Mère de Dieu, par qui la Vie commence à vivre, celui qui est sans prix est mis à prix, celui qui est sans chair s'incarne ! Salut, Ô Notre-Dame, Mère de Dieu, par qui l'incréé est créé, le Riche devient pauvre et le Très-Haut devient petit enfant. Salut, Ô Notre-Dame, Mère de Dieu, par qui le Fils et Verbe de Dieu, par indicible miséricorde, apparut Fils de l'Homme. Salut, Ô Notre-Dame, Mère de Dieu, par qui vint le plus beau des enfants des hommes ! Ainsi soit-il. »

Œuvre influente en Occident ‘la source de la connaissance’

En écrivant vers 730/740 ‘La source de la connaissance’, Jean Damascène, le dernier des Pères de l'Église selon la tradition occidentale , ouvrait la voie aux grandes synthèses doctrinales du Moyen Âge, tant en Orient qu'en Occident. Son œuvre, traduite en latin au XIIe siècle, sera beaucoup cité par Thomas d’Aquin. D'Irénée à Maxime le Confesseur en passant par les Cappadociens et Jean Chrysostome, Jean Damascène a recueilli toute la tradition des premiers siècles chrétiens. Il synthétise cet héritage de l'Antiquité chrétienne pour le transmettre à un Orient désormais dominé par l'islam.

Sa mémoire liturgique est célébrée le 4 décembre. Le Pape Léon XIII de Rome  le proclama docteur de l'Eglise universelle.

Jean de Damas

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