Parole de consolation au sujet de la pandémie de Coronavirus

Publié le par Paroisse Lillois

Monastère Saint Jean-Baptiste Maldon (Essex)

Monastère Saint Jean-Baptiste Maldon (Essex)

L’archimandrite Zacharie, moine au monastère Saint-Jean-Baptiste de Maldon (Essex) en Grande-Bretagne et disciple de saint Sophrony l’athonite, a proposé le texte ci-dessous à notre réflexion concernant l’actuelle pandémie. Il est par ailleurs l’auteur de deux ouvrages publiés en français : Le Christ, chemin de notre vie et L’homme caché du cœur publiés aux éditions Apostolia.

 

Nombreux sont ceux qui sont dans la confusion et d’autres dans la panique à cause de la menace du coronavirus qui s’est répandu dans le monde entier. Je pense pourtant qu’il ne devrait pas en être ainsi, puisque que tout ce que Dieu fait avec nous, Il le fait par amour. Le Dieu des chrétiens est un Dieu bon, un Dieu de pitié et de miséricorde, «Ami des hommes». Dieu nous a créés de par Sa douce bonté afin de partager Sa vie et même Sa gloire avec nous. Lorsque nous sommes tombés dans le péché, Il a permis à la mort d’entrer dans notre vie, mais c’est encore une fois par bonté, afin que nous ne devenions pas immortels dans notre perversité, mais que nous recherchions une voie de salut. Malgré notre chute, Dieu n’a jamais cessé non seulement de nous procurer les biens matériels nécessaires pour perpétuer notre race, mais Il a aussi envoyé des prophètes et des justes, préparant Sa voie afin qu’Il puisse venir apporter une issue à notre tragédie et amener le salut éternel à travers la Croix et la Résurrection de Son inconcevable amour. Il est venu et Il a pris sur Lui la malédiction du péché, et Il a manifesté Son amour jusqu’à l’extrême: «Ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, Il les aima jusqu’à l’extrême» (Jn 13, 1). Toutes les choses que Dieu a faites lorsqu’Il nous a créés, lorsqu’Il nous procure les biens nécessaires pour maintenir le monde, lorsqu’Il a préparé Son chemin pour qu’Il vienne sur terre, lorsqu’Il est venu en personne et a œuvré notre salut d’une manière si terrible, toutes ces choses, Il les a faites par pure bonté. Sa bonté est sans limite. Il nous sauve et Il attend avec longanimité jusqu’à ce que «nous parvenions à la connaissance de la vérité» (1 Tim 2, 4) et que nous offrions un vrai repentir, afin que nous puissions vivre avec Lui pour toute l’éternité. Ainsi, à toutes les étapes de Sa relation avec l’homme, notre Dieu ne montre que Sa bonté et Sa miséricorde «qui est meilleure que la vie» (Ps 62, 4). La bonté est Sa Nature et Il fait toute chose pour le bienfait et le salut de l’homme.

Par conséquent, lorsqu’Il reviendra pour juger le monde, est-ce que ce sera un Dieu différent qui jugera ? Ne sera-t-il pas le même Dieu de bonté, de pitié et de miséricorde, Qui est Ami des hommes ? Soyons assurés que nous ne paraîtrons devant aucun autre Dieu que Celui Qui nous a créés et sauvés. C’est donc avec la même miséricorde et le même amour qu’Il nous jugera. Pour cette raison, nous ne devrions ni paniquer ni être ébranlés, car ce sera le même Dieu qui nous accueillera dans l’autre vie et qui nous jugera avec la même bonté et la même compassion. Certains craignent que leur dernière heure soit venue. Ce fléau du coronavirus a un aspect positif: il nous laisse quelques semaines entre le moment où il nous assaille et notre fin. Nous pouvons donc consacrer ce temps à nous préparer pour notre rencontre avec Dieu, afin que notre départ n’arrive pas de manière inattendue et sans préparation, mais seulement après que, chaque fois que nous nous tenons en prière devant Dieu, nous ayons parcouru notre vie entière, – par moments en remerciant Dieu jusqu’à la fin pour tous Ses bienfaits, d’autres fois en se repentant et implorant le pardon de nos transgressions. Rien ne peut nous faire de mal avec un tel Dieu Qui permet toute chose de par Sa bonté. Nous devons simplement continuer de rendre grâce jusqu’au bout et garder l’humble prière de repentir pour le pardon de nos péchés.

En ce qui me concerne, ce fléau m’est profitable. J’ai la nostalgie de retrouver cette prière que j’avais auparavant, avec laquelle je puisse parcourir toute ma vie depuis ma naissance jusqu’à maintenant, rendant grâces à Dieu pour tous Ses bienfaits «connus ou ignorés», et aussi avec laquelle je puisse parcourir toute ma vie dans le repentir pour tous mes péchés et transgressions. C’est merveilleux de pouvoir retraverser sa vie en prière, amenant toute chose devant Dieu dans une prière persévérante. Nous ressentons alors que notre vie est rachetée. C’est pour cela que la situation actuelle m’aide vraiment: Je ne panique pas mais «je suis en souci à cause de mon péché» (Ps 37, 19). 

Nous devons voir la bonté de Dieu dans toutes les choses qui se passent maintenant. Les saints Pères ont vu Sa miséricorde. Une épidémie similaire s’est répandue dans le désert égyptien au IVème siècle, et a moissonné plus d’un tiers des moines. Les Pères d’alors disaient avec grande inspiration: «Dieu récolte les âmes des saints pour Son royaume», et ils ne furent pas ébranlés. Le Seigneur Lui-même parle dans l’Évangile à propos des derniers jours, des épreuves et des afflictions que traversera le monde avant Son second avènement. Pourtant, nous ne discernons ni tristesse morbide, ni désespoir dans Ses paroles. Le Seigneur Qui a prié au jardin de Gethsémani avec une sueur de sang pour le salut du monde entier, nous dit que lorsque nous verrons les terribles choses qui précéderont Son second avènement, nous devrions relever nos têtes avec inspiration, car notre rédemption s’approche (cf. Lc 21, 28). Certains me disent: «Que Dieu tende Sa main pour nous aider». Mais ceci est précisément la main de Dieu. Il désire et œuvre notre salut «à maintes reprises et sous maintes formes»  (cf. Hb 1, 1): «Mon père est à l’œuvre jusqu’à présent et j’œuvre moi aussi» (Jn 5, 17). Il se peut que ce virus soit un instrument que Dieu utilise afin que beaucoup reviennent à eux-mêmes et se repentent, et afin de moissonner de nombreuses âmes déjà prêtes pour Son royaume. Par conséquent, pour ceux qui se livrent et se confient totalement à la providence de Dieu, tout contribuera à leur bien: «Toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu» (Rm 8, 28).

Il n’y a donc pas lieu d’être consternés et morbides. Nous ne devrions pas non plus nous opposer aux mesures prises par le gouvernement dans le but de restreindre la propagation des souffrances et afflictions qui affectent la vie de tant de personnes. On a tort d’aller à l’encontre des autorités. Nous devrions faire tout ce que le gouvernement exige, parce qu’il ne nous demande pas de renier notre foi, il nous demande simplement de prendre quelques mesures pour le bien-être et la santé de tous, pour que cette épreuve puisse passer; et ce n’est pas du tout déraisonnable. Certains le prennent d’une manière trop confessionnelle. Ils érigent des drapeaux et jouent les martyrs et les confesseurs. Pour nous, il n’y a aucun doute, nous montrerons une totale soumission aux décisions du gouvernement. Ce n’est pas juste de leur désobéir, puisque si nous tombons malades, c’est à leurs hôpitaux que nous courons, et ce sont eux qui prennent en charge toutes nos dépenses et tous nos soins. Pourquoi ne pas les écouter?

Ceci est l’éthos (l’esprit) du Christ que Dieu nous a montré durant Sa vie sur terre, et ceci est aussi le commandement apostolique que nous avons reçu : «Il faut être soumis aux magistrats et aux autorités, pratiquer l’obéissance, être prêt à toute œuvre bonne, ne dire du mal de personne, ne pas être querelleur, mais se montrer bienveillant, témoigner à tous les hommes une parfaite douceur.» (Tit 3, 1.2) ; et «Soyez soumis, à cause du Seigneur, à toute institution humaine : soit au roi, comme souverain…» (1 P 2, 13) Si nous n’obéissons pas à nos gouvernants, qui ne nous demandent pas beaucoup, comment obéirons-nous à Dieu, Qui nous donne une loi divine de loin plus sublime que toute loi humaine? Si nous observons la loi de Dieu, nous sommes au-dessus des lois humaines, comme le disaient les apologistes du IIème siècle lors des persécutions des chrétiens sous l’Empire romain. C’est étonnant de voir, dans le pays où nous vivons, le Royaume-Uni, que les footballeurs montrent tant de compréhension et de discernement, en étant les premiers à arrêter leurs activités avec docilité face aux indications du gouvernement de prendre des mesures préventives. Ce serait triste que nous, croyants, nous ne parvenions même pas à la mesure des footballeurs et ne montrions pas la même docilité envers les autorités pour lesquelles prie notre Église. Si nous sommes vraiment spirituels, nous devrions être capables d’apprendre des footballeurs l’attitude correcte, tout comme Saint Antoine apprit un plus haut niveau spirituel du cordonnier d’Alexandrie.

Si on nous demande de cesser les offices liturgiques de l’Église, soumettons-nous simplement et bénissons la providence de Dieu. D’ailleurs, cela nous rappelle une ancienne tradition que les Pères avaient en Palestine: durant le Grand Carême, le jour du dimanche de l’Exil d’Adam, après le pardon mutuel, ils s’en allaient vivre 40 jours dans le désert, sans liturgie; ils persévéraient seulement dans le jeûne et la prière afin de se préparer à retourner dans leur monastère le dimanche des Rameaux, pour y célébrer avec une sainte piété la Passion et la Résurrection du Seigneur. Ainsi donc, les circonstances présentes nous obligent à revivre ce qui existait autrefois au sein de l’Église. C’est-à-dire qu’elles nous obligent à vivre une vie plus hésychaste, avec plus de prière, ce qui compensera l’absence de la divine liturgie, et qui nous préparera à célébrer avec un plus grand désir et une plus grande inspiration la Passion et la Résurrection du Seigneur Jésus. Nous transformerons ainsi ce fléau en un triomphe de l’hésychasme. En tout cas, quoi que Dieu permette dans notre vie, cela provient de Sa profonde bonté, en vue du bien-être de l’homme,  car Il ne voudrait jamais que Sa créature soit blessée.

Si nous sommes privés de liturgie pour un temps plus long, nous pourrons certainement l’endurer. Que recevons-nous dans la liturgie? Nous communions au Corps et au Sang du Christ qui sont emplis de Sa grâce. Ceci est pour nous un grand honneur et un grand bienfait, mais nous recevons également la grâce de Dieu de bien d’autres manières. Lorsque nous pratiquons la prière hésychaste, nous demeurons dans la présence de Dieu, avec l’esprit (l’intellect) dans le cœur en invoquant le saint nom du Christ. Le nom divin nous apporte la grâce du Christ parce qu’il est inséparable de Sa personne, et nous conduit dans Sa présence. Cette présence du Christ, est purifiante, elle nous lave de nos transgressions et de nos péchés, elle renouvelle et illumine notre cœur, afin que l’image du Christ notre sauveur, puisse y être formée. 

Si nous ne pouvons pas célébrer Pâques à l’Église, souvenons-nous que chaque contact avec le Christ est Pâques. Nous recevons la grâce lors de la divine liturgie parce que le Seigneur Jésus y est présent, c’est Lui Qui accomplit le sacrement, et c’est Lui Qui est communiqué aux croyants. Cependant, lorsque nous invoquons Son Nom, nous entrons dans cette même présence du Christ, et nous recevons la même grâce. C’est pourquoi, si nous sommes privés de la liturgie, nous avons toujours Son nom, nous ne sommes pas privés du Seigneur. Plus encore, nous avons également Sa parole et particulièrement Son Évangile. Si Sa parole demeure constamment dans notre cœur, si nous l’étudions et la prions, si elle devient notre langue avec laquelle nous parlons à Dieu tout comme Lui-même nous a parlé à nous, là encore, nous aurons la grâce du Seigneur. Ses paroles sont des paroles de vie éternelle (Jn 6, 68), et le même mystère s’accomplit, nous recevons sa grâce et nous  sommes sanctifiés. 

En outre, chaque fois que nous manifestons de la bonté envers notre frère, cela plaît au Seigneur, Il considère que nous l’avons fait en Son nom et Il nous en récompense. Nous manifestons de la bonté envers notre frère et le Seigneur nous récompense par Sa grâce: cela est une autre manière de vivre dans la présence du Seigneur. Nous pouvons également recevoir la grâce du Seigneur par le jeûne, la charité et toute œuvre bonne. Alors, si nous sommes contraints de ne plus nous rassembler à l’Église, nous pouvons cependant être unis en esprit dans ces saintes vertus qui sont connues dans le corps du Christ, Sa sainte Église, et qui préservent l’unité des fidèles avec le Christ et avec les autres membres de Son corps. Toute ce que nous faisons pour Dieu est une liturgie, car cela sert notre salut. La liturgie est le grand événement de la vie de l’Église où les fidèles ont la possibilité d’échanger leur petite vie avec la vie infinie de Dieu. Cependant, la puissance de cet événement dépend de notre préparation préalable, à travers toutes les choses que nous avons mentionnées, à travers la prière, les œuvres bonnes, le jeûne, l’amour du prochain, le repentir. 

Ainsi, mes chers frères, il n’est pas nécessaire de faire des confessions héroïques contre le gouvernement à cause des mesures préventives qu’il prend pour le bien de la population. Nous ne devrions pas non plus tomber dans le désespoir, mais seulement «inventer» avec sagesse toute sorte de moyens de ne pas perdre notre communication vivante avec la personne du Christ. Rien ne peut nous faire de mal, nous devons simplement être patients pendant un certain temps, et Dieu verra notre patience, Il ôtera tout obstacle, toute tentation, et nous verrons de nouveau l’aube de jours radieux, et nous célébrerons notre espérance commune et l’amour que nous avons dans le Christ Jésus notre Seigneur (cf. Rm 8, 39).

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