Saint Grégoire le Grand, Père de l'Eglise

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Grégoire le Grand pape de Rome

Avoir la simplicité de la colombe et l’ardeur du feu

Grégoire naît à Rome vers 540, dans une famille chrétienne illustre et riche. Son père est sénateur. Il grandit dans une époque troublée, Rome a été prise par les Goths, l’Italie est ravagée par les guerres, et la famine ainsi que par l’épidémie de la peste.

Préfet de Rome

 Ayant une formation solide et une culture élevée, il entre très tôt dans une carrière administrative. A 30 ans il préside le sénat, il est le préfet de Rome ce qui fait de lui le plus grand magistrat. Cette fonction, compliquée par la difficulté des temps, lui permet de se consacrer à large échelle à chaque type de problèmes administratifs, en en tirant des lumières pour ses futures tâches. Il lui resta en particulier un profond sens de l'ordre et de la discipline.

Moine

Cette vie ne le satisfait pas et désire se retirer en menant une vie monastique. Il abandonne ses biens et ses charges, se retire dans sa grande demeure (à Rome) en la transformant en monastère y accueillant d’autres moines et lui y vivant en simple moine.

Ambassadeur

Quelques années plus tard, ordonné diacre, le pape Pélage II fait appel à lui pour une mission auprès de l’empereur de Constantinople. La mission est de convaincre l’empereur de Constantinople d’aider l’Italie envahie par les Ostrogoths. Cette mission est un échec car l’empereur n’a pas les finances pour organiser une reconquête militaire et doit contenir l’invasion perse. Grégoire y vit quelques années menant une vie monastique avec des frères qu’il avait emmenés avec lui.  Grégoire y fait la connaissance de Léandre de Séville, et entretient des amitiés avec Théodore, médecin de l’empereur, Narsès, un général. Il a aussi quelques femmes amies du cercle impérial. Grégoire ne parlant que latin n’eut aucune relation avec le clergé grec ne parlant que le grec.

Lors de ce séjour qui durera quelques années, il commença à écrire  un commentaire du livre de Job qu’il achèvera à Rome. Les affaires, les intrigues et les mœurs corrompues de la cour impériale lui pèseront.

 

Retour à Rome

Grégoire revient dans son monastère, reprend la vie régulière monastique et la méditation des livres saints ‘la lectio divina’ il commente des livres de l’Ecriture aux moines.

Grégoire Pape

En 589, suite à des pluies incessantes, le fleuve de la ville inonde une grande partie de Rome. Cette inondation est suivie d’une épidémie de peste faisant de nombreuses victimes, parmi lesquelles le Pape Pélage II. Le clergé, le peuple et le sénat unanime le choisissent  précisément lui, Grégoire, pour être son Successeur sur le Siège de Pierre. Il cherche à résister, tentant également la fuite, mais il n'y a rien à faire : à la fin il doit céder. Il se met  immédiatement au travail avec zèle. Dès le début, il révèle une vision particulièrement clairvoyante de la réalité avec laquelle il devait se mesurer, une extraordinaire capacité de travail pour affronter les affaires ecclésiastiques et civiles, un équilibre constant dans les décisions, parfois courageuses, que sa charge lui imposait. Il réforme la curie romaine…il dépose l’archidiacre Laurentius à cause de son orgueil et de ses mauvaises actions ; il le remplace. Il rappelle à cette occasion qu’un diacre est fait pour le service des pauvres et pour répandre la parole de Dieu non pour chanter… : ‘Il arrive le plus souvent que pour le ministère sacré, on cherche de belles voix,  on ne fait pas attention à la dignité de sa vie, et le chanteur offense Dieu par ses mœurs corrompues’ (décret du concile romain, 5 juillet  595).De cette situation nait l’école des chanteurs indépendante du diaconat. Il décrète que des moines et des clercs et non plus des laïcs seront au service du pape.

 Il a un grand souci pastoral qui va s’exercer au delà de l’Italie (nous avons déjà les premiers jalons de la primauté papale), il aura le souci de maintenir et de conclure la paix avec les lombards, il lutte contre  l’immoralité des évêques et des prêtres et a le  souci des plus pauvres. Avec les rentes de l'important patrimoine que le Siège romain possédait en Italie, en particulier en Sicile, il achète et distribue du blé, il secourt ceux qui étaient dans le besoin, il aide les prêtres, les moines et les moniales qui vivaient dans l'indigence, il paie les rançons des citoyens devenus prisonniers des Lombards, il conclut des armistices et des trêves. En outre, il accomplit aussi bien à Rome que dans d'autres parties de l'Italie une œuvre soignée de réorganisation administrative, en donnant des instructions précises afin que les biens de l'Eglise, utiles à sa subsistance et à son œuvre évangélisatrice dans le monde, soient gérés avec une rectitude absolue et selon les règles de la justice et de la miséricorde.

Il interpelle assez fermement les évêques et les prêtres corrompus même au-delà de l’Italie.  Il est scandalisé que les évêques ne vivent pas dans l’humilité et le service.

Il accomplit sa charge pastorale en étant fortement malade, atteint d’un ulcère.

Son œuvre

Importance d’annoncer et de vivre la Parole de Dieu

Il ne se préoccupe pas de tracer une doctrine, il se veut un humble serviteur pour l’Eglise. Prédicateur, il a le souci de méditer et d’annoncer la parole de vie inscrite dans l’Ecriture. Lecteur méditant de l’Ecriture, il invite à lire l’Ecriture avec humilité, pour nourrir notre être intérieur, notre vie dans le monde. Comprendre la Parole de Dieu non de manière intellectuelle mais pour transformer notre vie et conduire à l’action. : « Le seul but de Dieu, en nous parlant à travers l’Écriture, est de nous attirer à l’amour de Dieu et du prochain ».

«Qui est ma mère, et qui sont mes frères?» Et étendant la main vers ses disciples, il dit : «Voici ma mère et voici mes frères! Car quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est mon frère, et ma sœur, et ma mère.»

Elle est courte, frères très chers, la leçon du Saint Evangile qui vient d’être lue, mais elle est surtout remplie de profonds mystères. En effet, Jésus, notre Créateur et notre Rédempteur, ayant feint de ne pas connaître sa mère, nous apprend qui est sa mère et qui sont ses proches, non par la parenté de la chair, mais par l’union de l’esprit : «Qui est ma mère, dit-il, et qui sont mes frères? Quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est mon frère, et ma sœur, et ma mère.»

Que celui qui fait la volonté du Père soit nommé sœur ou frère du Seigneur n’a rien d’étonnant, puisque l’un et l’autre sexe sont appelés à la foi. Il est, au contraire, très surprenant qu’on le nomme aussi sa mère. Le Christ a daigné donner le nom de frères aux disciples qui croyaient en lui, quand il a dit : «Allez annoncer à mes frères.» (Mt 28, 10)1. Mais il nous faut chercher comment celui qui a pu devenir le frère du Seigneur en embrassant la foi, peut également être sa mère. Eh bien, sachons-le: celui qui est frère ou sœur du Christ par la foi, devient sa mère par la prédication. Car il fait pour ainsi dire naître le Seigneur lorsqu’il l’introduit dans le cœur de celui qui l’écoute; et il devient sa mère, si sa voix engendre l’amour du Seigneur dans le cœur du prochain. »

(Homélie sur les évangiles livre 1)

Dans ses correspondances, il n’hésite pas à rappeler aux évêques leur ministère, l’importance de se nourrir de l’Ecriture au lieu de passer son temps aux banquets afin d’alimenter les chrétiens  de l’Ecriture par la prédication.

« Pour défendre le droit de banqueter, frère, vous alléguez le festin d’Abraham, dans lequel, si nous croyons la sainte Ecriture, il reçut trois anges.

D’accord pour l’exemple .Et nous ne vous ferons aucun reproche si vous offrez l’hospitalité à des anges.

Vous alléguez aussi l’histoire d’Isaac qui bénit son fils après s’être rassasié. Ces deux histoires de l’Ancien Testament, que leur caractère historique n’empêche pas d’avoir un sens allégorique, puissions nous en parcourir le récit pour nous rendre compte qu’il est laissé à notre initiative de les reproduire.

Les nourritures divines sont les paroles de la Sainte Ecriture .Si vous les lisez assidûment, si vous allez plus loin que le sens simplement extérieur pour pénétrer plus avant, vous remplissez le réceptacle de votre esprit comme d’un gibier, à l’exemple d’Isaac.

Vous pouvez dès lors, après ce repas, annoncer la parole divine à votre fils qui se tient devant vous, c’est-à-dire au peuple que vous devez instruire… » (Lettre à l’évêque de Salone, Natalis)

Il nous léguera les ‘moralia’ sur job, les homélies sur l’Evangile, les homélies sur Ezéchiel, des commentaires du livre des rois, et deux homélies sur le cantique des cantiques, les dialogues qui sont une compilation de vies de saints …il laissera aussi à la postérité les règles pastorales (liber regulae pastoralis),

L’autorité

En Grégoire, l’autorité est toujours une autorité dans l’humilité, une autorité dans le service, une autorité dans la recherche et dans la pauvreté, une autorité dans l’Esprit. Il n’affirme pas son autorité dans la communauté comme une donnée naturelle ou juridique. La sienne est une vraie autorité charismatique, car dans l’écoute attentive de la Parole il est à l’écoute attentive de tout le monde.

Il va contester le titre de prestige  que le patriarche Jean le jeuneur de Constantinople (patriarche œcuménique) s’est donné…, ‘il ne le fait pas pour limiter ou nier cette autorité légitime, mais parce qu'il était préoccupé par l'unité fraternelle de l'Eglise universelle. Il le fait surtout en raison de sa profonde conviction que l'humilité devrait être la vertu fondamentale de tout évêque, et plus encore d'un Patriarche. Grégoire était resté un simple moine dans son cœur, et c'est pourquoi il était absolument contraire aux grands titres. Il voulait être - telle est son expression – « servus servorum Dei ». Ce terme forgé par lui n'était pas dans sa bouche une formule pieuse, mais la manifestation véritable de son mode de vivre et d'agir. Il était intimement frappé par l'humilité de Dieu, qui en Christ s'est fait notre serviteur, qui a lavé et lave nos pieds sales. Par conséquent, il était convaincu que notamment un évêque devrait imiter cette humilité de Dieu et suivre ainsi le Christ. Son désir fut véritablement de vivre en moine, dans un entretien constant avec la Parole de Dieu, mais par amour de Dieu il sut se faire le serviteur de tous à une époque pleine de troubles et de souffrances, se faire « serviteur des serviteurs »’. (Benoit 16)

«  Réfléchissez donc, je vous en prie, que, par cette présomption téméraire, la paix de l’Église entière est troublée, et que vous êtes ennemi de la grâce qui a été donnée à tous en commun. Plus vous croîtrez en cette grâce, plus vous serez humble à vos yeux ; vous serez d’autant plus grand que vous serez éloigné d’usurper ce titre extravagant et orgueilleux. Vous serez d’autant plus riche que vous chercherez moins à dépouiller vos frères à votre profit. Donc, très cher frère, aimez l’humilité de tout votre cœur ; c’est elle qui maintient la concorde entre les frères, et qui conserve l’unité dans la sainte Église universelle. » (lettre au patriarche.)

Avec Grégoire, le rôle pastoral du  siège romain prend de l’importance  et l’exercera sur une partie du monde occidental et prend son indépendance par rapport à l’empire byzantin. Le monde latin étant déjà éloigné du monde grec.

Importance des monastères et de la règle de saint Benoit

C’est à Grégoire que l’on doit de connaître la vie de saint Benoit, il lui consacre tout le livre deux des dialogues (compilation de vies de saints), saint Benoit y occupe une place importante. La règle de saint Benoit qui ne s’était pas perdue malgré la destruction du monastère du mont Cassin par les Lombards, va être diffusée .Sous l’impulsion du pape Grégoire elle devient, en raison de son équilibre et de sa modération ascétique, la règle pour un grand nombre de monastères. Grégoire, envoie des moines dans ses possessions familiales en Sicile qui vont y vivre selon cette règle. À la fin du vie siècle, le pape Grégoire le Grand envoie un bénédictin ré-évangéliser l'Angleterre : c'est le futur Augustin de Cantorbéry.

 

Le théologien- catéchète, guide spirituel

Grégoire n'est pas un théologien original. Les controverses dogmatiques se sont  apaisées à son époque, il est nourri par l’œuvre de saint Augustin. C’est plutôt un pasteur qui cherche un christianisme pratique. Vivre et pratiquer l’Ecriture  vivre en conformité avec le Christ dans l’humilité. .Dans ces commentaires sur l’Ecriture, bien qu’il ne néglige pas le sens littéral de l’Ecriture, il le dépasse pour s’élever à l’allégorie, au mystère  Grégoire attribue toutefois une nette priorité au sens moral,  une éthique christique, fondée sur l’Evangile... ‘Dans cette perspective, il propose sa pensée à travers plusieurs binômes significatifs - savoir-faire, parler-vivre, connaître-agir - dans lesquels il évoque deux aspects de la vie humaine qui devraient être complémentaires, mais qui finissent souvent par être antithétiques. L'idéal moral, commente-t-il, consiste toujours à réaliser une intégration harmonieuse entre la parole et l'action, la pensée et l'engagement, la prière et le dévouement aux devoirs de son propre état : telle est la route pour réaliser cette synthèse grâce à laquelle le divin descend dans l'homme et l'homme s'élève jusqu'à l'identification avec Dieu.’ (Benoit 16 catéchèse sur Grégoire le Grand). Le but est de nous attirer à l’amour de Dieu et du prochain.  Il sera plus tôt un pape pasteur et père spirituel soucieux de la vie de l’Eglise ancrée dans le Christ humble. 

« Les ouvriers sont peu nombreux »

« Écoutons ce que dit le Seigneur aux prédicateurs qu'il envoie : La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d'envoyer des ouvriers pour la moisson. Les ouvriers sont peu nombreux pour une moisson abondante ; nous ne pouvons le répéter sans une grande tristesse. Il y a des gens pour entendre dire de bonnes choses, il n'y en a pas pour les dire. Le monde est rempli de prêtres, mais on rencontre rarement un ouvrier dans la moisson de Dieu ; nous acceptons bien la fonction sacerdotale, mais nous ne faisons pas le travail de cette fonction.

Considérez, frères très chers, considérez le poids de cette parole : Priez le maître de la moisson d'envoyer des ouvriers pour sa moisson. Vous-mêmes, priez pour nous, afin que nous puissions faire le travail auquel vous avez droit : que notre langue ne soit pas engourdie, quand il faut exhorter ; une fois que nous avons accepté la charge de la prédication, que notre silence ne nous assigne pas devant le juste juge ! Souvent en effet la langue des prédicateurs est paralysée par leurs mauvaises dispositions ; mais souvent, c'est par la faute de leurs peuples que les supérieurs s'abstiennent de prêcher.

La langue des prédicateurs est paralysée par leurs mauvaises dispositions, nous dit le Psalmiste : Dieu déclare au pécheur : Comment peux-tu redire mes lois ? Et que la parole des prédicateurs soit arrêtée par les vices de leurs peuples, le Seigneur le dit à Ézéchiel : Je ferai adhérer ta langue à ton palais, tu seras muet et tu cesseras de les avertir, car c'est une engeance de rebelles. Comme s'il disait clairement : La prédication te sera enlevée car, puisque ce peuple me défie par sa conduite, il ne mérite pas d'être exhorté à la vérité. Par suite de quel vice la parole est retirée au prédicateur, il n'est pas facile de le savoir. Mais ce que l'on sait avec certitude, c'est que le silence du pasteur est nuisible quelquefois à lui-même, mais toujours à son peuple. ~

Il y a encore autre chose, frères très chers, qui m'afflige vivement, dans la vie des pasteurs ; mais pour que mes paroles ne permettent de critiquer personne injustement, je m'accuse moi-même également, bien que ce soit malgré moi que je succombe, contraint par la nécessité de cette époque de barbarie.

Nous avons glissé vers des affaires extérieures et la charge honorable que nous avons acceptée est bien différente des fonctions que nous exerçons en fait. Nous abandonnons le ministère de la prédication et c'est pour notre châtiment, je crois, qu'on nous appelle évêque, car nous en avons le titre, mais nous n'en avons pas la valeur. En effet, ceux qui nous ont été confiés abandonnent Dieu, et nous nous taisons. Ils sont tombés, par leur mauvaise conduite, et nous ne leur tendons pas la main en les corrigeant. ~

Mais quand pourrions-nous corriger la vie d'autrui, nous qui négligeons la nôtre ? Pris par des tâches profanes, nous devenons d'autant plus insensibles à l'intérieur que nous paraissons plus adonné à tout ce qui se passe à l'extérieur.
L'Église a donc bien eu raison de dire, à propos de ses membres en mauvaise santé : On m'a chargé de garder ces vignes : ma propre vigne, je ne l'ai pas gardée. ~ Nous qui avons été institué gardien des vignes, nous n'avons aucunement gardé notre propre vigne parce que, en nous laissant prendre par des actions extérieures, nous avons négligé le ministère de notre tâche propre. » (Homélie de Grégoire le grand, commun des saints, liturgie (romaine) des heures)

 Les trois ‘ordres’

Grégoire évoque les états de vie des chrétiens, ceux qui sont mariés ceux qui sont moines et ceux qui sont prêtres (clercs), tous doivent rechercher le Christ.

 Tous les chrétiens sont appelés à la perfection, elle est l’idéal commun aux trois catégories de chrétiens, aux trois ordines : les personnes mariées (conjugati), les moines (continentes), les clercs (praedicatiores ou rectores).

D’une part, il y a le peuple chrétien (le laos d’après le mot grec, la plebs d’après le latin), de l’autre, les clercs, responsables du peuple chrétien : les praesules ou les praepositi. « l’Église est une diversité concordante »(Moralia 28).

Saint Jean Chrysostome déjà avait affirmé que gens du monde et moines ont le devoir d’atteindre le même sommet. Les moyens cependant diffèrent et la distinction des différentes catégories de chrétiens d’après leur état de vie respectif se base sur une différence de moyens déterminés par la différence des vocations. C’est à tous les chrétiens que s’adresse saint Grégoire lorsqu’il dit :

‘Traitez les affaires temporelles en tendant de toute votre âme aux réalités éternelles.’ In Ez. II, 5, 19

« Je veux vous inviter à tout abandonner, sans vous y obliger. Si vous ne pouvez pas abandonner entièrement le monde retenez les biens de ce monde mais de telle façon qu’ils ne vous retiennent pas dans le monde ; Possédez mais ne vous laissez pas posséder. Il faut que votre esprit domine ce que vous avez ; autrement, si votre esprit est vaincu par l’amour des biens terrestres, c’est plutôt lui qui sera possédé par les biens qui lui appartiennent ? Sachez donc user des biens terrestres, et désirez les biens eternels ; servez vous des biens de la terre dans le cours de votre vie, et désirez trouvez les biens du ciel à l’arrivée. Tout ce qui se passe dans ce monde, regardez le comme à la dérobée. Que votre regard intérieur se dirige en avant et considère avant tout les réalités qui sont votre but….les activités honnêtes elles-mêmes que nous menons dans le monde ne doivent toucher notre esprit qu’à la dérobée, afin que les activités terrestres qui nous plaisent rendent service à notre corps sans créer aucun obstacle à votre cœur …. » (Homélie de saint Grégoire le grand sur l’Evangile, , liturgie des heures (liturgie romaine))

Pour Grégoire l’exemple de la vie du Christ montre l’équilibre entre la vie contemplative et la vie active.

« la garde du cœur » et la « quietas » Une théologie spirituelle (monastique )

Trois conditions de la contemplation

L’ascèse

L’ascèse est un effort de purification tout ordonné à la contemplation. L’attention de Grégoire se porte sur l’intention et non sur des pratiques pénitentielles extérieures. Tout est centré sur la vie intérieure, sur la radix intentionis, la racine même de l’intention. L’ascèse est la garde du cœur : custodia cordis. Il faut remarquer cette insistance de Grégoire : tout part du cœur (cf. Mt 15, 19 etc. : c’est du cœur que procèdent mauvais desseins, meurtres etc.) 

« Etre mort à soi-même par l’ascèse est d’ailleurs une condition de la vie mixte : comment sinon redresser les autres, être au service des autres pour les amener à la foi ? »

La componction

On caractérise d’emblée la pensée de saint Grégoire sur la componction en disant qu’il la présente toujours comme une componction de contemplation. Elle est condition de la contemplation certes, mais déjà elle la suppose. En d’autres termes, on peut dire que saint Grégoire parle toujours d’une componction d’amour selon le sens plénier du mot, sens qui s’est toujours conservé en Orient. À la suite de Saint Grégoire, voyons les étapes de la componction : Au point de départ de la conversion chrétienne se trouve une vive conscience de la misère de l’homme.

« L’homme est tombé bien loin au-dessous de lui… ayant perdu la vue de son Créateur, il a en même temps perdu toute sa force et sa fermeté. »
Moralia,VIII,


De cette expérience naît l’humilité, la conscience de notre besoin de Dieu. Nous recevons alors de Dieu la componction, c’est-à-dire un choc salutaire, un coup, une piqûre, une brûlure. Le terme était d’origine médicale : un élancement. Au sens religieux, il signifie une douleur du fait de notre péché, de notre besoin de Dieu, de notre désir de Dieu.

Mais ce choc, cette voix tonnante de Dieu peut se faire chant intérieur, léger murmure, parole silencieuse (Moralia 30, 20-27, 42-45, 52) et les larmes de l’amour accompagnent toujours celles de la pénitence.

‘Ils ne cessent de désirer voir le Roi dans sa beauté et de pleurer d’amour chaque jour.’ (Homélie sur Ezéchiel)

Le désir

On appelle souvent saint Grégoire le docteur du désir. La componction et le désir sont des manifestations de l’amour qui tend sans cesse à la contemplation.
Celui qui de tout son esprit désire Dieu a déjà certainement celui qu’il aime.

A la vingt-cinquième homélie sur l’évangile se trouve le beau texte sur Marie Madeleine où tous les thèmes se mêlent : recherche de Dieu, pleurs d’amours, de la componction, le désir et sa croissance :

 

« Marie Madeleine, après être venue au tombeau sans y trouver le corps du Seigneur, crut qu'on l'avait enlevé et porta cette nouvelle aux disciples. Une fois venus, ceux-ci constatèrent et ils crurent qu'il en était comme elle l'avait dit. L'Évangile note aussitôt : Après cela, les disciples rentrèrent chez eux. Puis il ajoute : Mais Marie restait là dehors, à pleurer.

À ce sujet, il faut mesurer avec quelle force l'amour avait embrasé l'âme de cette femme qui ne s'éloignait pas du tombeau du Seigneur, même lorsque les disciples l'avaient quitté. Elle recherchait celui qu'elle ne trouvait pas, elle pleurait en le cherchant, et, embrasée par le feu de son amour, elle brûlait du désir de celui qu'elle croyait enlevé. C'est pour cela qu'elle a été la seule à le voir, elle qui était restée pour le chercher, car l'efficacité d'une œuvre bonne tient à la persévérance, et la Vérité dit cette parole : Celui qui aura persévéré jusqu'à la fin, celui-là sera sauvé.

Elle a donc commencé par chercher, et elle n'a rien trouvé ; elle a persévéré dans sa recherche, et c'est pourquoi elle devait trouver ; ce qui s'est produit, c'est que ses désirs ont grandi à cause de son attente, et en grandissant ils ont pu saisir ce qu'ils avaient trouvé. Car l'attente fait grandir les saints désirs. Si l'attente les fait tomber, ce n'était pas de vrais désirs. C'est d'un tel amour qu'ont brûlé tous ceux qui ont pu atteindre la vérité. Aussi David dit-il : Mon âme a soif du Dieu vivant : quand pourrai-je parvenir devant la face de Dieu ? Aussi l'Église dit-elle encore dans le Cantique des cantiques : Je suis blessée d'amour. Et plus loin : Mon âme a défailli.

Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? On lui demande le motif de sa douleur, afin que son désir s'accroisse, et qu'en nommant celui qu'elle cherchait, elle rende plus ardent son amour pour lui.

Jésus lui dit : Marie. Après qu'il l'eut appelée par le mot banal de « femme », sans être reconnu, il l'appelle par son nom. C'est comme s'il lui disait clairement: « Reconnais celui par qui tu es reconnue. Je ne te connais pas en général, comme les autres, je te connais d'une façon particulière. » Appelée par son nom, Marie reconnaît donc son créateur et elle l'appelle aussitôt Rabboni, c'est-à-dire maître, parce que celui qu'elle cherchait extérieurement était celui-là même qui lui enseignait intérieurement à le chercher. » (Homélie sur l’évangile de jean liturgie des heures,(de l’Eglise romaine) )

 

La contemplation


La vie contemplative consiste à conserver de tout son esprit la charité envers Dieu et le prochain, elle cherche à se reposer (quiescere) de l’action extérieure, à s’adonner au seul désir du Créateur, de telle sorte qu’on n’ait plus le goût d’exercer aucune action, dépassant tous les soucis, l’âme alors brûle du désir de voir la face de son Créateur.

Nous retrouvons quelque peu l’hésychasme de l’orient chrétien …Recherche de la paix profonde enracinée dans l’amour du Christ qui illumine …

Bilan

Le pape s’engage à fond pour maintenir la paix, il entretient des relations diplomatiques avec le roi Lombard et obtient  une paix durable. Ces résultats sont possibles grâce aux contacts parallèles qu’il entretient avec la reine Théoelinde, princesse bavaroise et de confession orthodoxe (au sens de la foi), elle réussit à guider le roi vers la foi orthodoxe ce qui ouvre la voie de la paix. Les femmes princières germaniques ont un rôle beaucoup plus important que dans  l’empire romain. Il entretient des relations avec le roi des Wisigoths en Espagne et des rois francs. Son objectif est double promouvoir la paix et la stabilité et l’activité missionnaire pour diffuser la foi chrétienne en occident, grâce au développement du monachisme bénédictin. Il renforce l’autonomie de l’Eglise par rapport au pouvoir politique et les liens avec les autres évêques. Pendant des siècles il sera la référence des moines bénédictins.

Il fait preuve de modération dans ces conseils pour la mission en demandant de ne pas détruire les lieux de culte païens : conseil qu’il donne à Augustin de Canterbury qu’il envoie évangéliser les angles en grande Bretagne :

« Les temples abritant les idoles dudit pays ne seront pas détruits ; seules les idoles se trouvant à l’intérieur le seront […]. Si les dits temples sont en bon état, il conviendra de remplacer le culte des démons par le service du vrai Dieu».

A une époque désastreuse, et même désespérée, il sait établir la paix et donner l'espérance. Il a conscience que le monde ancien antique, de culture romaine n’est plus et qu’une nouvelle société encore chaotique est en train de naître et en prend acte. Cet homme de Dieu nous montre où sont les véritables sources de la paix, d'où vient la véritable espérance et il devient ainsi un guide également pour nous aujourd'hui. Il est  proclamé docteur de l’Eglise en 1295 par le pape Boniface VIII.

 

Pour aller plus loin 

Philippe Henne op, Grégoire le grand, éd du cerf,2007.

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