Saint Maxime le Confesseur, Père de l'Eglise

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Saint Maxime le confesseur

Moine, confesseur de la foi ( 662)

La vie de saint Maxime le confesseur n’a pas été de tout repos et a vécu dans une époque troublée par les invasions perses et arabes (nous sommes au début de l’invasion musulmane) ainsi que des troubles au sein de l’Eglise assez violents en raison des débats christologiques. La source la plus fiable sur sa jeunesse serait une source syriaque. Il serait originaire de Palestine, orphelin, il fut élevé dans un monastère de Palestine. Mais les événements (invasion perse et expansion musulmane) obligent Maxime et des moines orientaux  à aller à Constantinople …nous le retrouverons aussi à Carthage, à Rome, de nouveau à Constantinople puis en exil mutilé dans le Caucase.

Maxime aurait été, à trente ans, Premier Secrétaire à la cour de l'empereur Héraclius. Il serait devenu moine en 613, au monastère de Chrysopolis. À la suite de l'invasion du Proche-Orient et de l'Égypte par les Perses sassanides , il se réfugia à Carthage en 626.

En 633, à la demande de l'empereur Héraclius qui cherchait, face à la menace des Perses, à se concilier les populations de Syrie et d'Egypte, majoritairement ralliées au monophysisme, le patriarche de Constantinople Serge rédigea un Pacte d'union, compromis possible avec le duophysisme (double nature du Christ) proclamé au concile de Chalcédoine , en précisant qu’il n’y avait en Jésus qu’une seule volonté (θέλημα) et une seule énergie (ένέργεια), d’où les termes monothélisme et monoénergisme et ceci pour des raisons politique : réunifier l’empire avec l’appui des chrétiens monophysites de Syrie, Arménie, Egypte.

La réaction de Maxime est de dire que s’il n’y a pas de volonté humaine, en Jésus alors il n’y a pas de réelle liberté non plus son humanité est passive et théorique, étant soumise  la divinité.

 Le synode de Latran en 649  présidé par Martin 1er  (pape de Rome) proclame les deux volontés intimement unies du seul et même Christ.

Maxime s'impliqua dès lors totalement dans le combat contre ce qu'il considérait comme une nouvelle hérésie, à Constantinople, en Afrique et à Rome, en défendant l'orthodoxie du concile de Chalcédoine.

. En 645, il parvient au cours d'un débat, à Carthage, à faire revenir le successeur de Serge, Pyrrhus, vers l'orthodoxie.

Maxime séjourna à Rome jusqu'en 653. Par la suite, les variations doctrinales des empereurs byzantins tournèrent en sa défaveur. En 653, il fut arrêté par Constant II en même temps que le pape Martin de Rome. Cet incident fut une étape importante de la séparation des Eglises d'orient et Occident.

Lors de son procès à Constantinople, il fut exilé sur les rives de la mer Noire, en 655.. Il refusa les offres de pardon et de réconciliation de l'empereur. Il fut convoqué de nouveau à Constantinople en 662, et jugé à nouveau par les évêques et les sénateurs byzantins qui le condamnèrent à la torture avec ses deux disciples, Anastase le Moine (fête le 22 juillet) et Anastase l’Apocrisiaire (fête le 11 octobre). Comme ce dernier, « on lui arracha la langue, on lui coupa la main droite, pour s'assurer de son silence. Puis on l'exila en Lazique . Il y mourut, le 13 août 662, à plus de quatre-vingts ans, dans la sauvagerie des contreforts du Caucase …». Le pape Martin subit le même sort…

Le monothélisme, auquel Maxime s'opposait fortement, fut finalement condamné par le troisième concile de Constantinople (6e concile œcuménique) en 680.

Il est appelé « le Confesseur » car il subit la torture  de la part des partisans du monothélisme, qui sans l'amener à la mort (en martyr), lui ont coupé la langue et la main droite, avec lesquelles il défendait l'orthodoxie de la foi chrétienne  en paroles et en écrits.

Saint Maxime a pris part au débat théologique de son époque face au monophysisme et monothélisme une variante du monophysisme.

Condamné de son vivant  la personne et la pensée de Maxime ont  été réhabilitées et reconnue par le troisième concile de Constantinople en 681 20 ans après sa naissance au ciel.

Son œuvre théologique et spirituelle  est immense, riche, fine  et difficile …

Un peu d’explication, le concile de Chalcédoine en  451  confesse le Christ comme ;

 « un seul et même fils ,notre seigneur Jésus Christ ,le même parfait en divinité, et le même parfait en humanité, le même vraiment Dieu et vraiment composé d’une âme raisonnable et d’un corps ,consubstantiel au père selon la divinité  et le même consubstantiel selon l’humanité , en tout semblable à nous sauf le péché avant les siècles engendré du Père selon la divinité  et aux derniers jours le même engendré pour nous  et pour notre salut de la vierge marie, Mère de Dieu selon l’humanité, un seul et même Christ , Fils ,Seigneur , l’unique engendré  reconnu en deux natures ,sans confusion, sans changement ,sans division sans séparation. La différence des natures n’étant nullement séparée à cause de l’union, la propriété de l’une et l’autre nature étant bien plutôt sauvegardée et concourant à une seule personne  et une seule hypostase, un Christ ne se fractionnant ni se divisant en deux personnes mais un seule et même Fils , unique engendré ,Dieu Verbe Seigneur Jésus Christ…. »

Donc vraiment homme et vraiment Dieu  mais qu'en est-il de la volonté ou disposition intérieure ?

 

Les deux volontés humaine et divine en Christ

 C’est de cela que Maxime va répondre toute sa vie. Le monophysisme est une  doctrine  affirmant  qu’il n’y a qu’une seule nature dans le Christ (son humanité a été absorbée par la divinité)  et le monothélisme (une forme de monophysisme) affirme qu’il n’y a qu’une seule  volonté dans le Christ, la volonté divine. L’Eglise d’Orient à l’époque tente d’imposer cette doctrine par la force et Maxime y  perçoit les enjeux christologiques, et anthropologiques ….

Le Christ a vraiment assumé son humanité même dans sa volonté humaine  en répondant oui à la volonté (divine) du Père… il fait un commentaire sur l’agonie du Christ à Gethsémani …la volonté humaine voulait que  la coupe s’éloigne de lui mais répond que ta volonté soit faite..

 « Qu’il y ait eu selon la nature une volonté humaine, tout comme il avait selon l’essence une volonté divine. Le Verbe incarné le montre clairement lui-même par son refus de la mort, refus humain exprimé par lui, selon l’Economie, à cause de nous. Dans ce refus, il disait :Père s’il est possible que cette coupe s’éloigne de moi »,il disait cela afin de montrer sa faiblesse de sa propre chair et que ce n’était pas une apparence trompeuse que cette chair était connue de ceux qui la voyaient (Il aurait alors trompé les sens),mais ainsi qu’en témoignait sa volonté naturelle de laquelle venait le refus ,conformément à l’économie.

Mais qu’en inverse cette volonté ait été complètement divinisée, consentant à la volonté divine  par laquelle et conformément à laquelle elle était toujours mue et marquée, cela est manifeste puisqu’elle a fait de façon parfaite cela seul que la volonté du Père avait décidé conformément à cette décision, c’est en tant qu’homme que le Christ a dit ; « que ce ne soit pas ma volonté, mais la tienne qui se fasse. » En cela il s’est donné comme exemplaire et modèle pour nous afin que nous renoncions à notre propre volonté pour accueillir parfaitement celle de Dieu même si pour cela nous devons nous trouver face à la mort. » (Maxime le confesseur)

Synergie : le mystère du salut est à ceux qui le veulent.

Maxime va développer toute une réflexion complexe, à partir bien sur de sa méditation de l’Ecriture, et de l’apport des pères qui l’ont précédé (Grégoire de Nysse, Grégoire de Nazianze, Basile, Athanase ,Irénée) sur la  liberté, la grâce et la synergie : l’homme a le pouvoir (a cette disposition intérieure) de rejeter ou d’accepter le don de la Grâce Divine pour son Salut, il reste un participant dans Son Salut, mais c’est à Dieu que reviennent toute l’absolue priorité et initiative.

La synergie, thème très cher à l’orthodoxie (à la suite des pères de l’Eglise précédant Maxime), indique que l’être humain de par sa volonté humaine (sa disposition intérieure) peut s’accorder à la volonté divine et bien que fragile la grâce divine agit en lui  pour faire progresser l’être humain sur le chemin de l’amour déifiant.

Le Seigneur nous a donne le moyen de nous sauver, de nous laisser sauver par lui. Mais ce salut n’échappe  pas au pouvoir de notre volonté: il s’agit d’aimer, de donner, de pardonner. Cela nécessite le combat spirituel inévitable en vie chrétienne. Pour Maxime, il s’agit de se conformer à la charité (agapè) du Christ, de vivre cette charité, de lutter contre nos égoïsmes.

 

« Oubliant tout ce qui est en arrière, tendu de tout son être vers ce qui est en avant… (Ph 3, 8), dénouons tous les liens de méchanceté qui entravent notre cœur, défaisons l’écheveau de nos contestations et de nos rancunes, empressons-nous de faire du bien a notre prochain de tout notre être, alors la Gloire de Dieu sera sans cesse avec nous. Donnons-nous tous entiers au Seigneur afin de le recevoir lui, tout entier; devenons des dieux par sa grâce car c’est pour cela qu’il s’est fait homme, lui qui par nature est Dieu et maitre. Obéissons-lui et il nous vengera sans peine de nos ennemis (Ps 80, 14). Aimons tous les hommes mais ne plaçons notre confiance en aucun, car le Seigneur nous garde. Aucun ennemi ne peut rien contre nous. Laissons-nous conduire par l’Esprit (cf. Gal 5, 16), veillons et soyons sobres (1 P 5, 8), rejetons le sommeil de la paresse, et devenons les émules des saints athlètes du Sauveur. Imitons leur combat, imitons leur course infatigable, imitons leur ardeur enflammée, imitons leur persévérance dans la continence, imitons leur sainteté dans la chasteté, imitons leur endurante patience, imitons la tendresse de leur compassion, imitons leur douceur imperturbable, imitons la faveur de leur zèle, imitons leur amour sans feinte, imitons leur grandeur dans l’humilité, imitons leur simplicité dans la pauvreté, imitons leur force, imitons leur bonté, imitons leur pondération… »

 (cité dans l’article de Soeur Véronique Dupont OSB : Vivre l’impossible humain dans la foi au Fils de Dieu, une lecture du liber asceticus de Maxime le confesseur)

 

Cela rejoint des questions d’actualité car la liberté de l’homme est conçue comme l’autonomie, l’individualisme, l’autosuffisance dans un monde sans repère or le libre arbitre, le besoin de choisir est pour Maxime une indigence, la volonté devient discursive or la liberté pleine se réalise dans la grâce, l’homme vivant dans la grâce choisit le bien directement. Sortir de l’angoisse c’est accepter et entrer dans la communion avec l’amour du Christ. La vision de Maxime n’est pas uniquement morale mais ontologique.

 

Une vision cosmique

 

Il est aussi, parmi les Pères de l'Église, celui qui a le plus approfondi les questions de la présence de Dieu dans la nature, des relations intimes de tous les êtres créés à Dieu, de la façon dont l'homme peut entrer en relation avec les créatures et à travers elles avec Dieu, et du rôle de médiation que l'homme est appelé à exercer au sein de la création.  La tradition orthodoxe affirme que « Dieu  est présent en tout et que toute chose est en Dieu », Dieu est à la fois immanent et transcendant, présent en toute choses et  en même temps au- delà d’elles.  Maxime le confesseur l’exprime en termes de Logos. Le Christ, le Verbe- le Logos, par qui  et en qui Dieu a créé  le monde,  a implanté dans chaque chose créée un logos caractéristique, une pensée, une intention ou une parole qui est la présence divine en cette chose. Chaque chose créée est une parole personnelle du Créateur. Chaque être n’existe pas en lui-même, mais par le logos qui est en lui et qui le fait participer  à Dieu. Ces logoi sont des énergies créatrices.

 

Ces logoi contiennent toute l’information qui définit chaque créature à la fois dans les propriétés communes à leur espèce, leurs caractéristiques individuelles ainsi que leurs relations avec les autres créatures. Car chaque créature existe  par sa relation avec les autres.

Ces logoi constituent aussi des lois ontologiques de la nature, les fondements intérieurs de son existence. Chaque créature a sa place propre dans le tout et a son rôle à jouer dans la symphonie, l’harmonie du monde. Ces logoi ne sont pas statiques et ils n’excluent pas  une dynamique  d’évolution et de développement des créatures dans le temps. La vision des pères de l’Eglise est une vision dynamique…Pour Grégoire de Nysse, ce mouvement – essence de l’existence-  va de commencement en commencement sans fin. Maxime le confesseur parle de ces logoi comme des énergies. La Parole divine résonne dans la création,  l’univers parle de Dieu et Dieu parle à travers elle. Les pères de l’Eglise avaient cette conviction que l’univers était déjà une révélation divine.

 

Pour Maxime, le Christ, Logos fait chair, l’humain divinisé, par lui le nouvel Adam est  réconcilié avec Dieu  et par conséquent restaure l’unité profonde avec toute la création. L’incarnation ne vient pas seulement réparer le désordre de la nature humaine et réconcilier les éléments de la création dissociée par le péché mais Dieu lui-même prend place au cœur de la création et rassemble en lui la succession des siècles. Nous retrouvons ces thèmes de réflexion et de méditation chez Teilhard de Chardin. Cette vision cosmique centrée sur le Logos incarné en qui les innombrables logoi des créatures et le logos humain rectifié, restauré selon l’ordre de la nature trouvent leur unité qu’est le retour en Dieu de la Création tout entière.

 

 

L’être humain : microcosme et prêtre de la création

 

Saint Maxime le Confesseur définit l’être humain comme un « microcosme », un « être-frontière » qui unit en lui, par la grâce, tous les règnes de la nature et le Royaume des cieux. Dans cette perspective, nous ne sommes plus avec la nature dans un rapport d’extériorité – à réguler par des principes éthiques et des lois –, mais dans une relation de coparticipation, de solidarité et d’interdépendance matérielle et spirituelle profonde. Et cela change tout

 

Saint Maxime laissa bien d’autres écrits spirituels dont sa Mystagogie, traité de théologie liturgique de premier plan. Il approfondit la théologie de la divinisation de l’homme déjà exposée par saint Irénée de Lyon (« Dieu se fit homme pour que l’homme devienne Dieu »). Il en dresse une grandiose synthèse théologique selon laquelle l’homme, placé par Dieu dans le monde pour être le prêtre d’une liturgie cosmique, est appelé à rassembler les raisons (logoi) de tous les êtres pour les offrir au Verbe divin, leur Principe, en un dialogue de libre amour ; de sorte qu’en accomplissant le dessein pour lequel il a été créé, son union à Dieu, l’homme amène aussi l’univers entier à sa perfection dans le Christ, le Dieu-Homme.

« Pourquoi Dieu a créé le monde ? Maxime répond à cette question ainsi : pour communier avec lui, pour lui communiquer sa grâce incréée et déifiante et ainsi le diviniser. C’est dans ce but qu’il a créé l’être humain. Celui-ci en effet est un esprit et un corps. Il appartient donc à la fois au monde matériel par sa dimension corporelle, et au monde immatériel par sa dimension spirituelle. La nature humaine récapitule ainsi en elle-même l’intégralité de la création. La vocation de l’homme est donc d’être déifiée, et, en se déifiant, la nature humaine déifie également le cosmos tout entier : les vivants et les morts, les animaux, les plantes, les fleuves et les montagnes, jusqu’aux anges eux-mêmes. » (La liberté ou la mort, Gegoirre Quievreux, article sur le livre de Julja Videvic sur le site PHILLITT)

 

L’œuvre de Maxime est immense ici dans cet article, comme pour beaucoup ce n’est qu’une petite approche. Il reste aussi un pont entre l’Eglise d’orient et l’Eglise orthodoxe.

 

 

Ouvrages pour aller plus loin :

Abordables :

Je vous invite à écouter la présentation dans la vidéo jointe la conférence de Julija Vidovic qui est assez claire et abordable .

La liberté ou la mort, Grégoire Quievreux, article sur le livre de Julja Videvic

https://philitt.fr/2020/04/02/saint-maxime-le-confesseur-la-liberte-ou-la-mort/

 Revue  Connaissance des pères de l’Eglise, n°97, consacré à Maxime le Confesseur ed nouvelle cité.

Je vous invite à écouter la présentation dans la vidéo jointe la conférence de Julja Vidovic qui est assez claire et abordable.

La liberté ou la mort, Grégoire Quievreux, article sur le livre de Julja Videvic

https://philitt.fr/2020/04/02/saint-maxime-le-confesseur-la-liberte-ou-la-mort/

Plus difficile :

 

Les livres de Jean-Claude Larchet aux éd. du cerf traitant de la pensée de Maxime le confesseur.

Le livre récent de la théologienne orthodoxe de saint Serge (Paris) : Julja Vidovic, la synergie et la grâce divine et la volonté de l’homme, collection Patrimoines, éd. du cerf.

 

 

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