LE GRAND CAREME, VOYAGE VERS PÂQUES (2) suite

Publié le par Paroisse Lillois

LE GRAND CAREME, VOYAGE VERS PÂQUES

C’est la liturgie de l’Église qui, dès l’origine et encore maintenant, nous introduit nous fait communier à la vie nouvelle du Royaume. C’est par sa vie liturgique que l’Église nous révèle quelque chose de ce que « l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment » (1 Co 2,9). Et au centre de cette vie liturgique, comme son cœur et son sommet, comme le soleil dont les rayons pénètrent partout, se trouve Pâques. C’est la porte ouverte chaque année sur la splendeur du Royaume du Christ, l’avant-goût de la joie éternelle qui nous attend, la gloire de la victoire qui déjà, bien qu’invisiblement, remplit toute la création : « La mort n’est plus ! » Toute la liturgie de l’Église est ordonnée autour de Pâques, et, ainsi, l’année liturgique, c’est-à-dire la succession des saisons et des fêtes, devient un voyage, un pèlerinage vers la Pâque, vers la « Fin » qui est en même temps le « Commencement » : fin de ce qui est vieux, commencement de la vie nouvelle, un « passage » constant de « ce monde » au Royaume déjà révélé en Christ.

Et cependant, la « vieille » vie, la vie du péché et de mesquinerie, n’est pas facilement vaincue et transformée. L’Évangile attend et demande de l’homme un effort dont il est, dans son état actuel, virtuellement incapable. Nous sommes mis en face d’un but, d’un mode de vie qui est bien au-dessus de nos possibilités. Les apôtres eux-mêmes, lorsqu’ils entendirent l’enseignement de leur Maître, lui demandèrent, désespérés : « Comment cela est-il possible ? » (cf. Jn 3,99Nicodème Lui répondit en disant : “Comment cela peut-il arriver ?” ; Mt 19,25-2625Entendant cela les disciples furent frappés d’étonnement et dirent : “Qui donc pourra être sauvé ?” 26Jésus les fixa du regard et leur dit : “Aux hommes cela est impossible ; mais à Dieu tout est possible”.).    Il n’est pas facile, en effet, de rejeter un idéal mesquin de vie fait de préoccupations quotidiennes, de recherche de biens matériels, de sécurité et de plaisir, pour un idéal de vie dont le but exclut tout ce qui est en deçà de la perfection : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5,48). Ce monde dit par tous ses moyens de diffusion : « Soyez heureux, ne vous en faites pas, prenez la voie large. » Or le Christ dit dans l’Évangile : « Choisissez la voie étroite, combattez et souffrez, car c’est le chemin de l’unique vrai Bonheur » (cf. Mt 7,13). Sans le secours de l’Église, comment pouvons-nous faire ce choix terrible, comment pouvons-nous nous repentir, et revenir à la glorieuse promesse qui nous est donnée chaque année à Pâques ? C’est ici qu’intervient le Carême. C’est le secours que nous offre l’Église, l’école de repentance qui, seule, nous rendra possible d’accueillir Pâques non pas comme une simple permission de manger, de boire et de nous détendre, mais vraiment comme la fin de ce qui est « vieux » en nous, comme notre entrée dans le « nouveau ».

Dans l’Église primitive, le but principal du Carême était de préparer au baptême les catéchumènes, c’est-à-dire les chrétiens nouvellement convertie, en un temps où le baptême était administré au cours de la liturgie pascale (1). Cependant, même lorsque l’Église ne baptisa plus des adultes et que l’institution du catéchuménat eut disparu, le sens fondamental du Carême demeura le même. Car, bien que nous soyons baptisés, constamment nous perdons et nous trahissons précisément ce que nous avons reçu au baptême. C’est pourquoi Pâques est notre retour annuel à notre propre baptême ; tandis que le Carême est notre préparation à ce retour, l’effort lent et soutenu pour, finalement, accomplir notre propre « passage » ou « pâque » dans la vie nouvelle en Christ. Et si, comme nous allons le voir, la liturgie de Carême conserve encore aujourd’hui son caractère catéchétique et baptismal, ce n’est pas comme un vestige archéologique du passé, mais comme quelque chose de valable et d’essentiel pour nous. Car, chaque année, le Carême et Pâques nous font redécouvrir une fois de plus et recouvrer ce que le passage baptismal à travers la mort et la résurrection avait opéré en nous.

Un voyage. Un pèlerinage. Et déjà, en l’entreprenant, dès le premier pas dans la « radieuse tristesse » du Carême, nous apercevons au loin, bien loin, la destination : la joie de Pâques, l’entrée dans la gloire du Royaume. Et c’est cette vision, l’avant-goût de Pâques, qui rend radieuse la tristesse du Carême et qui fait de notre effort de Carême un « printemps spirituel ». La nuit peut être sombre et longue ; mais, tout au long du chemin, une aube mystérieuse et lumineuse pointe à l’horizon. « Ne déçois pas notre attente, ô Ami de l’homme ! »

Extrait de : Alexandre Schmemann,
Le Grand Carême : Ascèse et liturgie
dans l’Église orthodoxe
, Bellefontaine, 1999

 

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