prière de l'âne
Prière de l'âne
J’avance, comme l’âne de Jérusalem dont le Messie,
un jour des Rameaux, fit une monture royale et pacifique.
Je ne sais pas grand’chose,
mais je sais que je porte le Christ sur mon dos
et j’en suis plus fier que d’être bourguignon ou basque.
Je le porte, mais c’est lui qui me mène :
je sais qu’il me conduit vers son Royaume et j’ai confiance en lui.
J'avance à mon rythme. Par des chemins escarpés,
loin de ces autoroutes où la vitesse vous empêche
de reconnaître monture et cavalier.
Quand je bute contre une pierre, mon Maître doit être
bien cahoté, mais il ne me reproche rien.
C'est merveilleux comme il est bon et patient avec moi :
il me laisse le temps de saluer la ravissante ânesse
de Balaam, de rêver devant un champ de lavande,
d'oublier même que je le porte.
J'avance, en silence. C'est fou comme on se comprend
sans parler ; d'ailleurs, je n'entends pas trop
quand il me souffle des mots à l'oreille.
La seule parole de lui que j'ai comprise semblait être pour
moi tout seul et je puis témoigner de sa vérité : '' Mon joug
est facile à porter et mon fardeau léger.'' (Mat. 11,30).
C'est comme, foi d'animal, quand je portais allègrement
sa mère vers Bethléem, un soir de Noël. Jules Supervielle,
le poète ami des ânes, l'a bien deviné : '' elle pesait peu,
n'étant occupée que de l'avenir en elle''.
J'avance, dans la joie
Quand je veux chanter ses louanges,
je fais un boucan de tous les diables, je chante faux.
Lui, alors, il rit de bon cœur, d'un rire qui transforme
les ornières en piste de danse
et mes sabots en sandales de vent.
Ces jours-là, je vous jure, on en fait du chemin !
J'avance, j'avance comme un âne
qui porte le Christ sur son dos
Cardinal Etchegaray (†)
(Merci à Emile)