Dieu Lui-même nous prie...

Publié le par Paroisse Lillois

Dieu Lui-même nous prie...

Pour continuer notre réflexion sur la prière et l'utilité de la prière. 


La prière de l’homme est une réponse à une prière de Dieu. Il ne faut parler qu’avec beaucoup de circonspection des commandements et même de la volonté de Dieu. Loin de moi l’intention de biffer des mots traditionnels que Jésus lui-même a employés mais il faut les entendre correctement. Il ne s’agit pas de volonté impérative. Dans un milieu où l’on s’aime, une famille par exemple, on ne se commande pas, on ne se donne pas des ordres, on se prie mutuellement, on manifeste un désir et l’on dit : « veux-tu ? » ou « Je te prie » ou « Tu me procurerais de la joie si tu exauçais mon désir. » Je préfère personnellement parler d’exaucer le désir de Dieu, tellement je tremble que l’on attribue à Dieu je ne sais quelle autorité et quel esprit dictatorial que pourraient laisser entendre les mots mal compris de volonté ou commandements de Dieu. Notez que le mot « commandement » vient du latin mandatum qui est à l’origine du mot « recommandation ». Les commandements de Dieu indiquent le seuil en deçà duquel il n’y a pas d’amour.
Comme le dit Jean Lacroix, dans cette phrase que j’aime tant à citer ; « Aimer, c’est promettre et se promettre à soi-même de ne jamais employer à l’égard de l’être aimé les moyens de la puissance. » Les moyens de la puissance sont multiples dans l’amour humain depuis la toute-innocente séduction jusqu’au viol abject, avec, entre les deux, toute la gamme de l’utilisation des moyens de puissance. Dieu est le Tout-Puissant mais sa puissance est constituée par le refus d’utiliser la puissance, telle est la grande révélation de Jésus-Christ. C’est l’Amour qui est puissant ; or, précisément, la puissance de l’Amour est, à la lettre, un renoncement à la puissance. Celui qui renonce à la puissance ne commande pas, il prie. Dieu nous prie...
La vie avec Dieu est un échange de prières : elle est, de part et d’autre, l’expression d’un désir. Dieu nous dit son désir de nous voir pleinement hommes, de nous voir accéder au plus haut niveau possible d’existence, à la plus pure qualité d’être. Ce qu’il y a de plus terrible dans une vie humaine, c’est de devenir médiocre sans s’en apercevoir. Dieu ne nous dit précisément qu’une chose : sors de ta médiocrité, ne te dégrade pas, accède au plus haut niveau humain ! Tel est son désir et c’est tout l’Evangile. En retour, nous lui exprimons notre désir qu’Il soit glorifié et que notre propre déification soit Sa Gloire et Sa Joie. Saint Paul nous dit que nous devons imiter Dieu, voilà un point où nous ne pouvons pas nous dispenser d’imiter le Dieu qui éternellement est en prière devant l’homme.
Gabriel Marcel a écrit : « Dieu est un ‘Toi’ qui ne peut jamais devenir un ‘Lui’, un ‘Tu’ qui ne peut jamais devenir un ‘Il’. » Lorsque nous parlons de Dieu en disant Lui ou Il, ce n’est plus de Dieu qu’il s’agit mais d’un objet. On parle d’un objet mais Dieu n’est en aucune manière un objet, Il est un sujet. Dieu ne peut pas être le complément d’objet d’un verbe ou alors il est une caricature de Dieu. D’autre part, Dieu n’est jamais absent : on dit ‘Il’ ou ‘Lui’ en parlant d’un absent ; quand quelqu’un est présent, on ne dit pas ‘Il’ mais ‘Tu’.
Le ‘Tu’ à Dieu est ce que nous appelons la racine de la prière. Ici-bas, tout est dialogue. Il y a ce dialogue avec nous-même que nous appelons la pensée ; il y a ce dialogue avec les choses
ou avec les événements que nous appelons l’action ; il y a ce dialogue avec les autres que nous appelons la camaraderie, l’amitié ou l’amour et il y a le dialogue avec Dieu que nous appelons la prière. Mais ce dialogue avec Dieu ne s’ajoute pas aux autres dialogues, n’est pas extérieur à eux, car Dieu n’est pas un être qui s’ajoute aux autres êtres. C’est là Son mystère : Il est un Autre et Il n’est pas un autre. Il est plus que moi, Il est intérieur à tous les dialogues que je soutiens avec moi-même, avec les choses ou avec les autres. Comme le dit Claudel traduisant saint Augustin, Dieu est en moi plus moi-même que moi...

                            « Joie de croire, joie de vivre » de François Varillon, Bayard, p.255-257

Publié dans la LETTRE FRATERNITE HESYCHASTE 130 du  11 mai 2020.

Merci à Monseigneur Martin de l'Eglise Orthodoxe Française.

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