Prier pour les autorités?

Publié le par Paroisse Lillois

J'ai reçu de Jeanne un texte du pasteur Alain Arnoux de Dieulefit envoyé à tous ses paroissiens. Dans cette époque ou nous serons bientôt appelés à élire nos gouvernants, Il est important de méditer sur le sens que nous Chrétiens donnons à la mission de nos représentants. Aussi je partage ce texte plein de sagesse avec vous pour nourrir votre réflexion.

J'ai souvent été gêné par les injonctions de prier pour les autorités, que nous trouvons dans le Nouveau Testament, surtout dans les lettres de Paul. Et j'ai souvent "oublié" de le faire. Je ne suis sans doute pas le seul. Pendant très longtemps, les Églises ont été tellement collées aux pouvoirs de toutes sortes, surtout monarchiques, que la prière pour les autorités faisait partie du "système", comme on dit aujourd'hui. Prier pour elles faisait partie du loyalisme, et de la soumission, c'en était une preuve. Et les chrétiens se sont maintenant acclimatés, comme tout le monde, à une ambiance permanente de débats, de mise en cause, de contestation, et même de jeu de massacre. Ils ont aussi leurs propres opinions. Que faire donc aujourd'hui d'une exhortation comme celle-ci : "En tout premier lieu, je recommande que l'on adresse à Dieu des demandes, des prières, des supplications et des remerciements pour tous les êtres humains. Il faut prier pour les rois et tous ceux qui détiennent l'autorité, afin que nous puissions mener une vie tranquille, paisible, respectable, dans un parfait attachement à Dieu" (I Timothée 2 / 1-2) ? Me souvenant que l'empereur qui régnait quand Paul écrivait s'appelait Néron, je me dis que Paul n'était pas forcément en admiration devant ce personnage, son régime et la société de l'époque. Mais surtout, je lis que Paul range "les rois et ceux qui détiennent l'autorité" parmi "tous les êtres humains", pour lesquels il s'agit de prier (et même de remercier !). Les empereurs romains avaient tendance à se diviniser, Paul les ramène à la condition humaine commune.
Or, quand je vois les passions qui se déchainent dans nos démocraties, chez les candidats et chez leurs partisans, je me dis que tout le monde se comporte comme si l'on croyait que les élus avaient la possibilité de "sauver" la France ou le monde, de les délivrer de tous les maux, et d'établir le paradis sur terre. C'est comme si chaque élection présidentielle devait porter un messie au pouvoir. Certains discours, certains slogans, certains comportements de meeting ressemblent à de l'idolâtrie pure, juste un peu plus colorée et joyeuse que le culte qui entoure le président de la Corée du Nord, mais tout aussi illusoire et pathétique. L'exhortation de Paul nous ramène à la réalité : les gouvernants et leurs opposants, les magistrats, sans oublier ceux qui ont une autorité intellectuelle, ne sont que des humains avec leurs ambitions et leurs limites, leur bonne et leur mauvaise volonté, leurs forces et leurs faiblesses, leurs réussites et leurs échecs... tout comme nous. Ils ne sont ni des dieux ni des surhommes, et c'est quand ils prétendent l'être qu'ils deviennent inhumains. Prier pour eux, et le faire publiquement, c'est leur donner leur vraie importance et leur vraie place, c'est se rendre soi-même disponible pour prendre honnêtement sa place dans les débats et les travaux pour améliorer ce monde, c'est rester lucide à l'égard de tout pouvoir humain, en allant parfois jusqu'à l'objection de conscience et à la désobéissance civique : ici on sait bien qu'il a fallu, dans des circonstances graves et dangereuses, préféré obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes
(Actes 4 / 19). Sans cesser de prier pour eux. Car ils sont des hommes, rien que des hommes, à aimer aussi, ce qui ne veut pas toujours dire les trouver sympathiques, les approuver, ou les suivre, mais leur donner la place que Dieu leur donne.

 Pasteur Alain Arnoux

 

 

Publié dans textes, réflexions

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