Reflexions sur le sens de la venue du Saint-Esprit dans notre vie aujourd'hui

Publié le par Paroisse Lillois

Reflexions sur le sens de la venue du Saint-Esprit dans notre vie aujourd'hui

La Pentecôte n’a pas eu lieu seulement une fois il y a un peu plus de 2000 ans. La fêter et commémorer ne prend son sens qu’avec la descente de l’Esprit dans le cœur de chacun. Ici et maintenant. Jalons pour donner sens à cette expérience. (Interview de Michel Maxime Egger)

Le souffle ténu de l'Esprit

Qu’apporte le Saint-Esprit à la vie chrétienne?

Il est le moteur de la vie spirituelle. Sans lui, on ne peut rien faire. C’est le Saint-Esprit qui nous permet de participer à la vie divine, de faire l’expérience de la Résurrection. C’est aussi par lui que le Christ s’incarne en nous. L’Esprit saint revêt une importance particulière dans la tradition orthodoxe, où toute prière personnelle, tout office, tout sacrement, est précédé d’une invocation qui lui est directement adressée : « Roi céleste, consolateur, esprit de vérité, Toi qui es partout présent et qui emplis tout, trésor des biens et donateur de vie, viens et demeure en nous, purifie-nous de toute souillure et sauve nos âmes, Toi qui es bonté. » Mettre en œuvre cette prière permet d’«orienter » la vie quotidienne.

Don gratuit et travail sur soi-même

L’homme a-t-il besoin du Saint-Esprit pour accomplir son salut ?

Oui. L’acquisition du Saint-Esprit est le but de la vie chrétienne. La vocation spirituelle des chrétiens est de pouvoir affirmer un jour : « Ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi » (Ga 2,20). Pour atteindre cet état de sanctification, qui n’est possible que par et dans l’Esprit saint, un travail de purification du cœur est nécessaire.

Plus précisément, comment le croyant peut-il accueillir l’Esprit Saint et se rendre réceptif à son action ?

Cela demande une transformation intérieure. Nous sommes bien souvent remplis de nous-même, de notre ego, de nos passions, de nos désirs de savoir et de pouvoir. Tout cela nous empêche de recevoir le Saint-Esprit. Pour qu’il puisse faire sa demeure en nous, nous habiter et animer par ses énergies, il faut lui faire de la place. Cela passe par toute une démarche ascétique, centrée sur la prière et le jeûne. Celui-ci n’est pas seulement corporel, alimentaire, mais aussi spirituel : la pacification du mental. Le Saint-Esprit est un don de Dieu, gratuit, sans condition, mais son assimilation et ses fruits ne sont pas automatiques. Ils sont liés à une ascèse – au sens étymologique du mot grec, askesis, qui veut dire exercice – un travail sur soi-même et surtout, le plus important, une attitude d’humilité.

Est-ce conciliable avec le mode de vie actuel ?

Oui. Ce « programme » spirituel est réalisable par tout être humain, en tout et en tout lieu. Nul besoin de se faire moine ! C’est une question de mode d’existence, qui suppose sans doute certains aménagements dans sa vie, des choix, d’autres priorités. À mesure qu’on avance sur cette voie, c’est naturellement qu’on renonce à certaines choses dont on découvre qu’elles ne sont pas nécessaires, notamment dans l’ordre de la consommation ou de la recherche de stimuli superficiels. Les choses vous abandonnent plus que vous ne les abandonnez. La décroissance matérielle et mentale découle presque organiquement de la croissance spirituelle et affective. Seul l’accroissement des « liens » peut conduire durablement à une réduction des « biens ».

L'importance du discernement

A quoi reconnaît-on une personne remplie du Saint-Esprit ?

C’est un être de communion, qui rayonne d’amour et de paix, d’une certaine forme de joie. Il manifeste en toute occasion une attitude d’humilité. Il y a en lui comme une lumière.

Mais lorsque le Saint-Esprit nous parle, comment être sûr que ce n’est pas notre imagination ou nos fantasmes ?

Il faut faire preuve de discernement. Nous ne sommes pas à l’abri de l’autosuggestion ou des insinuations de forces spirituelles que la tradition de l’Eglise appelle « démons ». Dans l’Église orthodoxe, on s’en réfère aux pères spirituels, qui ont une grande expérience. Peu à peu, à mesure que la vie de Dieu entre en nous, on apprend aussi à discerner ce qui est du Saint-Esprit et ce qui ne l’est pas. On le reconnaît notamment à ses fruits. Si ce que nous prenons pour une manifestation du Saint-Esprit est source de paix, d’humilité, de joie intérieure, s’il nous ouvre à l’amour, et même à l’amour des ennemis, il y a des chances que ce soit le Saint-Esprit. En revanche, si cela nous conduit à des mouvements d’autoglorification, comme à aller raconter partout que l’on a eu une expérience du Saint-Esprit, il convient de sérieusement se méfier.

Le Saint-Esprit a-t-il changé votre vie ?

Sans doute, du moins je l’espère, mais il m’est très difficile d’en parler, car cela touche à l’intimité la plus profonde de mon être. Le Saint-Esprit nous donne des joies, des lumières que nous n’avions pas avant. Il ouvre le cœur, nous rend capable d’accueillir la souffrance des autres. Mais il se manifeste d'une façon subtile. Il nous guide souvent sans que nous le sachions, et les choses se mettent en place dans notre vie comme par enchantement. La clé est de ne pas être volontariste. La vie en Christ passe par le renoncement à sa volonté propre, lequel rejoint le « non agir » cher à la tradition du Tao. Cela ne veut pas dire, bien sûr, ne rien faire. Simplement, ce n’est pas l’« ego » volontariste qui est aux commandes, mais une autre force et énergie qui agit à travers moi à partir du moment où je me connecte à sa source et où je m’ouvre à son action. J’aime ce passage du livre des Rois où il est dit que le Saint-Esprit n’est pas dans le tonnerre, le feu, mais dans la légère brise, le bruissement d’un souffle ténu (1 R 19,12). Le Saint-Esprit est mystère. Sa puissance est intérieure et discrète.

Sobriété et humilité

Que pensez-vous des mouvements pentecôtistes et charismatiques? Sont-ils animés de l’Esprit Saint ?

C’est une question délicate. Ne les connaissant pas de l’intérieur, je me garderai bien de porter un jugement. L’aspect très positif est de rappeler le rôle central de l’Esprit saint dans un christianisme occidental qui en a longtemps minimisé l’importance. Il est clair, pour moi, que la Pentecôte n’a pas eu lieu une fois pour toutes. Elle se poursuit. Elle recommence toujours. L’Esprit souffle où il veut. Toutefois, certaines manifestations pentecôtistes comme le parler en langues et des formes d’exaltation collective ne sont pas dans la culture orthodoxe. Les orthodoxes vivent l’expérience du don de l’Esprit dans la liturgie, l’eucharistie, les chants, dans les relations aux autres et à la nature. Cela ne veut pas dire qu’il n’y pas d’événements extraordinaires : des guérisons et des icônes miraculeuses existent. Mais tout cela est vécu dans la sobriété, sans débordements émotionnels.

L’Esprit n’agit-il jamais sur une assemblée ?

Bien sûr que si. L’assemblée chrétienne se constitue, existe par la réception commune de l’Esprit saint. C’est le Saint-Esprit qui fait des fidèles rassemblés le Corps du Christ, l’Église. On sent bien pendant une liturgie comment l’Esprit crée de la communion entre les personnes présentes. Simplement, chez les orthodoxes, les expériences mystiques ne seront pas collectives, mais personnelles. Et le père spirituel aura le plus souvent un rôle de refroidissement des ardeurs, sachant que c’est avec la durée et par les fruits que l’on peut juger de l’authenticité de ce genre d’expérience. S’il s’agit du Saint-Esprit, tant mieux, mais efforçons-nous d’accueillir ce moment de grâce avec humilité, sans auto-glorification ni exaltation.

L’expérience mystique fait partie de la vie chrétienne. Le Christ lui-même l’a vécue sur le Mont Thabor.

Oui, mais souvenez-vous. Jésus vit la transfiguration sur le Mont Thabor. Voyant cela, les disciples aimeraient bien y rester, monter des tentes, s’installer. Mais Jésus s’y oppose et dit qu’il faut redescendre. Il montre par là que l’expérience mystique est indissociable de l’humble vie quotidienne, au cœur du monde. Jésus est transfiguré au Mont Thabor, mais il est aussi crucifié au Golgotha. Il importe de ne jamais dissocier ces deux pôles de la résurrection : l’expérience de la lumière et l’expérience de la croix qui entraîne l’abandon, le dépouillement, le renoncement, la mort du vieil homme en nous. Face à la maladie, la souffrance, l’épreuve, la prière apporte au cœur quelque chose de consolant, d’apaisant, par l’action du Saint-Esprit.

Michel Maxime Egger, le 20.05.2013

Propos recueillis par Jacques-Olivier Pidoux, L’Echo romand, 28 février 2002.Haut du formulaire

 

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