L’Esprit Saint « L’esprit descendit sur Lui »
Voici un extrait ainsi que la retranscription d'une conférence sur l'Esprit-Saint donnée par Bertrand Vergely le 22 octobre 2018 dans le cadre d'une série de conférences sur "l'éthique du salut" sur orthodoxie.com
Bertrand Vergely : " L'Esprit Saint. " L'Esprit descendit sur lui " "
Bertrand Vergely nous a parlé, le lundi 22 octobre de" L'Esprit Saint. "L'Esprit descendit sur lui" " dans sa sixième série de conférences " L'éthique du sal...
L’Esprit Saint
« L’esprit descendit sur Lui »
Retour sur les cours précédents
Dieu est vivant, c’est une présence ineffable avec laquelle on peut dialoguer et qui nous emmène de plus en plus loin. Même dans les pires catastrophes, Dieu est toujours présent. On pourrait dire qu’à chaque fois, il y a des « envoyés du ciel » qui sauvent des vies et Dieu n’abandonne jamais l’homme. On ne comprend pas Dieu si on ne le comprend pas comme présence en nous.
Dans une expérience profonde de sensation, on passe inévitablement du visible à l’invisible. On rencontre quelque chose qui est au-delà et en même temps, cet au-delà est en relation avec les profondeurs de l’intime. L’incarnation du Christ est véritablement ce qui sort de l’invisible pour rentrer dans le visible. Le Christ est plus qu’un homme tout en étant un homme et Il nous montre ce que l’homme peut être.
L’Esprit.
En ce qui concerne la vie morale, le Père est ce qui nous emmène au-delà de tout en nous mettant dans une humilité profonde et dans la plénitude de l’invisible. Le Fils c’est ce qui nous fait rentrer dans la chair de la vie, dans la réalisation de la plénitude du visible. Avec l’Esprit, on va encore plus loin car l’Esprit introduit la dimension de la nouveauté radicale. Il nous fait voir les choses en Esprit et en Vérité.
Je crois qu’il y a deux visions du christianisme. Il y a la vision courante qui dit que Dieu est amour et que le Christ est venu apporter l’amour. Bien évidemment ceci est vrai, mais je constate qu’aujourd’hui, il y a une dérive à propos de l’amour et qu’on parle d’amour à tout bout de champ. D’une manière tout à fait curieuse, on se sert de l’amour pour tout justifier et pour inciter à tout accepter. Par exemple, certains vont dire qu’il faut les accepter tels qu’ils sont et que si on ne le fait pas, c’est qu’on n’est pas chrétien. Il y a une espèce de chantage à l’amour qui me paraît déformer la signification profonde de l’amour.
Si on coupe le Christ de ses racines ontologiques, on n’y comprend plus rien. Le Christ devient un prophète de l’amour parmi d’autres mais Il n’est plus le changement radical dans la structure même de l’humanité. Il est donc important de revenir vers l’essence du christianisme qui est la totale nouveauté. Jamais on n’a parlé de Dieu, du religieux, de la vie et de l’homme comme cela. Si nous abordons la vie en Christ avec les yeux d’une nouveauté totale, nous avons une chance de comprendre ce qui est en jeu. On croit comprendre le Christ en disant qu’Il est venu apporter l’amour. Bien sur qu’Il est venu apporter l’amour, mais l’amour dont Dieu est porteur est d’une totale nouveauté par rapport à l’amour dont nous parlons habituellement.
Le christianisme parle de Dieu trinitaire parce que Dieu est le Dieu des vivants et non pas des morts. Cela veut dire que Dieu existe, mais Il fait plus qu’exister, Il est plus que vivant, Il est trois fois vivant. Il est vivant dans l’invisible et nous pouvons le comprendre dans l’expérience de l’invisible qui renvoie à la sensation la plus profonde. Il est vivant dans le visible en donnant vie à tout ce que nous voyons, au corps qui est le nôtre et à la profondeur de la matérialité dans laquelle nous sommes. Et Il est vivant en tant que présence, allant au-delà du visible et de l’invisible, pour faire apercevoir quelque chose qui n’est ni de l’ordre du visible, ni de l’ordre de l’invisible.
Pour comprendre cela, il importe de comprendre les critiques que l’on adresse à l’Esprit, les limites de ces critiques, et l’ouverture théologique qu’apporte l’Esprit. L’Esprit c’est ce que défini l’expression « l’Esprit et la lettre » ou bien « la loi et l’Esprit de la loi ». Lorsqu’une loi est faite, elle est faite dans un certain état d’esprit qui se trouve derrière la loi et qui permet de comprendre la lettre de la loi. La loi ne doit pas être prise à la lettre, elle doit être vue en Esprit. Derrière ce qui est dit dans la lettre, il y a un projet, une vision et une intention et c’est cela qui permet de comprendre la signification des mots.
En ce sens, la véritable loi, n’est pas la loi écrite, c’est la loi non écrite qui se trouve derrière elle est qui est la loi de la vie. La véritable loi est faite pour résoudre un certain nombre de questions, et derrière ces question, elle est faite pour vivre, autrement dit, c’est la vie qui donne le sens de la loi. C’est pour cela qu’il convient de distinguer la lettre de l’Esprit car derrière ce qui est dit ou écrit, ce qui compte, c’est la vie.
La Vie
La vie est une force qui provient de la création et de la mutation qui est dans la création, à savoir la capacité qu’a la création de s’individualiser et de s’autoprogrammer afin de devenir un élan et un souffle créateur. La vie désigne tout un processus qui va de la création à l’incarnation et à la recréation, c’est à dire à une création encore plus haute. Dans la vie, il y a l’esprit de la vie qui est le mouvement même de la vie, et qui récapitule toute la dynamique de ce qu’on peut appeler l’au-delà.
L’intuition de la vie est l’expérience la plus ancienne de l’humanité. L’humanité s’est structurée autour de la première religion qui est l’animisme. C’est la perception du monde comme une grande âme, c’est la vision que l’on a lorsqu’on voit les choses sous la forme d’un tout vivant et animé. Cette intuition est le fond du paganisme, c’est-à-dire la vision païenne ou cosmique des choses, c’est la vision vivante de la matérialité et derrière elle c’est une expérience cosmique du divin. Cette vision des choses est encore notre religion quotidienne, nous vivons dans la matérialité et pour la matérialité. C’est ainsi que nous devenons des être de chair et de sang, pour nous l’esprit est la matérialité vivante. Néanmoins, l’esprit est quelque chose d’ambigu, si l’humanité n’est pas incarnée dans la dimension cosmique, elle ne peut pas vivre, mais si elle ne fait que vivre sur le plan cosmique et matériel, elle risque de s’y emprisonner et de freiner totalement son développement.
Les critiques de l’esprit
L’esprit peut être un obstacle et pas simplement un tremplin. C’est en ce sens qu’il y a une critique de la part des prophètes de la Bible à l’égard des idoles et de la religion cosmique. Ils voient très bien qu’en restant sur le plan cosmique et matériel, cette signification de l’esprit paralyse les forces spirituelles de l’humanité. L’important c’est de rentrer dans l’incarnation, mais de s’en détacher et de ne pas en être prisonnier. Il faut rentrer dans la nature et dans notre corps, mais il faut aussi en sortir. Le véritable sage est celui qui est arrivé à se détacher de la matérialité et du corps. C’est ce qui lui permet d’arriver à la véritable béatitude. L’homme normal a besoin de plaisirs pour vivre est être heureux, le sage n’en n’a pas besoin et c’est en ce sens qu’il est heureux, car l’homme heureux qui dépend du plaisir n’est pas totalement heureux car il est dépendant. Pour être véritablement heureux, il faut aller au-delà du plaisir. C’est ce qui se passe lorsque je me nourris de la vie elle-même et du fait même de vivre.
Paradoxalement, l’esprit peut devenir le plus grand obstacle à l’esprit, et c’est ce qui se passe lorsque l’être humain est captivé par les forces de la matérialité. Il n’est plus dans un processus de transformation et de spiritualisation. Nous prenons des nourritures et des boissons visibles, pour aller vers des nourritures et des boissons invisibles. Nous utilisons notre corps visible pour aller vers le corps invisible. C’est le corps poétique, mystique, le corps profond et c’est ce qui permet d’aller dans le souffle créateur. Dans le développement de notre humanité, franchir le cap de l’esprit est la plus grande épreuve à laquelle nous avons affaire car cela demande une mutation spirituelle.
Ceux qui dirigent le monde sont ceux qui sont rentré dans l’esprit de la matérialité et des corps et qui ont acquis un certain pouvoir par rapport à la matérialité et aux corps. Le problème posé par la prise de possession de la matérialité et des corps, c’est le fait de dire qu’avec l’esprit de la matière et des corps, nous n’avons pas besoin d’autre chose. Il y a ici un problème majeur, car pour aller vers l’évolution profonde de l’homme, il faut se libérer de l’esprit de la matérialité et des corps.
Bachelard montre que l’esprit scientifique se délivre en permanence des images dans lesquelles l’esprit humain s’enferme, pour libérer la science. L’image c’est ce qui nous captive, et la science c’est ce qui nous fait penser. La véritable science c’est celle qui, face à la réalité, nous dit que pour le moment nous connaissons certaines choses, mais que ce n’est pas grand-chose par rapport à ce qu’il y a à connaître. Nous ne devons pas nous enfermer dans des images car nous ne pourrons pas vivre l’aventure scientifique qui est de se rendre compte de l’extraordinaire de la réalité. Nous sommes dans la véritable science si nous sommes dans une « docte ignorance » c’est à dire dans une intelligence d’une humilité absolue devant le mystère du réel. Là se trouve la vie spirituelle et la vie de l’esprit.
Le combat spirituel
La vie spirituelle est un combat qui est visible dans la science et partout. Lorsque Bachelard parle de l’esprit scientifique et de la lutte que l’esprit doit entreprendre pour libérer l’esprit scientifique, il décrit exactement le combat spirituel. Le combat spirituel, c’est exactement la même chose que l’opposition qu’il y a entre les images qui nous captivent et la science qui nous fait penser.
On peut faire une transposition et dire que dans l’expérience de Dieu, il y a le dieu qui nous captive et le Dieu qui nous vivifie et nous emmène dans l’humilité où nous pouvons nous rendre compte de la gloire. D’où l’épreuve spirituelle de l’humanité qui a été très bien vue par Platon. Platon nous dit que l’humanité est en état d’esclavage, elle est dans une caverne, elle regarde l’obscurité au lieu de regarder la lumière et elle est captivée par un spectacle qui lui est projeté. Les hommes sont captivés par les images du monde et de toutes les forces de la matérialité, ils n’arrivent plus à se vivifier et à vivre une véritable expérience créatrice.
L’expérience créatrice, c’est ce qui se passe lorsque l’homme se vide de tout et en se détachant de tout, il arrive à l’accomplissement de lui-même. Il est libre à l’égard de l’existence, il vit une expérience de dépouillement créateur. L’esprit est le problème crucial de l’humanité et on s’en rend compte dans la souffrance psychique des hommes. Si les hommes souffrent dans leur âme et dans leur corps, c’est parce que leur esprit est captivé par des images traumatiques dont ils n’arrivent pas à se déprendre. Ils sont prisonniers d’un mal-dire qui les empêche de symboliser leur vie et d’aller dans leur dynamisme intérieur. Cette capture se traduit par toutes les maladies psychiques et somatiques qui sont des forces détournées de leur vocation profonde.
Les limites de la critique de l’esprit
Lorsque Jacques Monod dans « le hasard et la nécessité » explique qu’il faut absolument que la science se libère de l’animisme et de l’esprit, il n’a pas totalement tord, mais il n’a pas totalement raison. Il perçoit qu’il y a dans l’humanité une capture du souffle créateur de l’humanité qui a tendance à se figer dans des idoles corporelles et cosmiques. Attention ! Dieu n’est pas une chose et les choses ne sont pas Dieu. Attention à ne pas se prosterner devant le monde et les choses. L’erreur de Monod, c’est de vouloir rejeter totalement l’esprit à cause du mauvais usage qu’en fait l’animisme qui est resté bloqué dans son évolution.
L’erreur profonde de la société française et de la culture actuelle est de supprimer l’esprit au lieu de supprimer la bêtise qui l’utilise mal. Ce n’est pas l’esprit qu’il faut éradiquer mais la bêtise avec laquelle on s’en sert. Nous agissons dans le cas de l’esprit comme dans le cas du suicide ou de l’euthanasie. Lorsque la vie souffre, ce n’est pas la vie qu’il faut supprimer, c’est la souffrance.
Sous prétexte de supprimer la souffrance, on supprime la vie. Sous prétexte de libérer l’homme de la bêtise, on supprime l’esprit. Monod explique que c’est une erreur de croire que derrière la réalité se trouve un esprit, que cet esprit fait que la vie a un sens, que l’homme n’est pas venu par hasard et que les religions ont une existence. Monod a tors, il y a une manière animiste de concevoir l’esprit, le monde la vie, l’homme et la création de l’homme, qui est critiquable, mais il y a une manière magnifique de concevoir l’esprit dans la réalité.
Voir les choses en esprit
Premièrement, apercevoir l’esprit et avoir le sens de l’esprit, c’est l’essence de la vie intelligente. Voir les choses en esprit, c’est voir le cadre toujours vivant qui se trouve derrière la réalité. Derrière les choses et les hommes, se trouve la vie, pour voir les choses et les hommes, il faut les voir dans le cadre de la vie.
Lorsque j’ai un conflit avec quelqu’un , pour désamorcer le conflit, je replace l’autre dans le cadre de la vie. Je le vois se battre avec la vie et du coup, je ne suis plus en face de lui car je le remets dans la vie et je ne peux pas lui en vouloir. Si je ne vois pas les choses avec les yeux de la vie, lorsque quelqu’un est agressif avec moi, je le culpabilise, je me culpabilise et on n’en sort pas. Voir les choses avec les yeux de la vie, c’est voir les hommes tels qu’ils sont et c’est la manière la plus libératrice qui soit. Il en est de même pour les choses que nous devons aussi replacer dans le cadre de la vie.
L’esprit est la seule manière de pouvoir aborder le monde, la vie, les choses, l’homme et le sens de la vie. Si je vois le monde en dehors de la vie, c’est un ensemble de chose qui me semble totalement absurde. Camus nous dit que les choses sont absurdes quand elles ne sont que des choses, c’est-à-dire des cadavres. Elles sont coupées de la totalité à laquelle elles appartiennent.
On peut faire une expérience de l’absurde, par exemple, en se mettant dans une cabine téléphonique et en regardant de monde « pour rien », tout d’un coup le monde apparaît comme absurde car il devient un ensemble d’objets dépourvus de signification et ramenés à leur simple dimension d’objet. Un objet tout seul, c’est absurde car il est totalement inclassable et on ne sait pas quoi en faire, on ne peut faire qu’une chose, c’est le relier à d’autres. C’est la même chose dans la vie, si je la vois en dehors du tout de l’esprit, je la vois comme une absurdité, elle est comme une tombe avec un nom, la date de naissance et la date de la mort. Effectivement si une vie se réduit à cela, c’est la mort. Nous comprenons la phrase du Christ lorsqu’il dit que Dieu est le Dieu des vivants et non pas des morts. Le dieu des morts, c’est le dieu coupé de sa réalité spirituelle.
Si l’homme est compris sans esprit, il est isolé de son « écosystème » et il n’a aucun sens. Tout comme un atome pris isolément n’a aucun sens, alors que pris dans une combinaison d’atome, il a du sens. La vie humaine en tant que telle n’a aucun sens et quand les existentialistes veulent démontrer que Dieu n’existe pas, ils ramènent la vie d’une personne à un nom et des dates sur une tombe en disant que sa vie n‘a eu aucun sens.
La spiritualité
La vision spirituelle est une globalité. Dans notre monde, les forces de l’esprit ne sont pas des forces « magiques » qui agissent de manière obscure et ésotérique, mais c’est la vision globale de la vie qui fait que tout est replacé dans un ensemble extraordinairement riche de relations et qu’on passe de la mort à la vie. Toute expérience spirituelle est une expérience de résurrection, la vie est obturée par la mort et cette obturation vient de notre regard sur les choses.
Aujourd’hui, on parle de spiritualité et on entend par là, quelque chose de totalement négatif et d’anti-spirituel. On oppose la spiritualité à la religion qui serait le pouvoir et les institutions, alors que la spiritualité serait libre et sauvage. On entend dire qu’on n’a pas besoin de Dieu pour avoir une spiritualité et que Dieu est une projection de l’homme. La spiritualité n’est pas vécue de façon créatrice et on ne comprend pas l’expérience spirituelle. L’expérience spirituelle, c’est vraiment le vent qui rentre dans la pièce, qui lave tout et qui nous remet dans le cadre de la vie avec tous ses niveaux et toutes ses relations qui font qu’on arrive à un état de « jubilation ».
Opposer la spiritualité à la religion n’a pas de sens car comme la spiritualité voit les choses spirituellement, elle va voir le côté spirituel de la religion, des institutions, de l’Église et de tout ce qui s’est passé. Il ne peut pas y avoir de spiritualité athée, car si on est spirituel, on a une vision créatrice. Si on est spirituel, on s’intéresse au bouddhisme, mais on s’intéresse aussi à sa critique, on s’intéresse au christianisme et à sa critique, on s’intéresse à tout et on passe de la mort à la vie.
La crise spirituelle de notre époque est très bien illustrée par Jacques Monod. Il pense que l’humanité doit avoir une science, et je suis entièrement d’accord avec lui. Vive ce qui nous fait penser et qui peut nous libérer des images dans lesquelles on a tendance à être capturés. Oui mais il y a un problème dans l’évolution de la science, et c’est celui de l’esprit. L’esprit c’est cette manière vivante de percevoir le monde qui peut perdre toute vie parce qu’elle a tendance à se perdre dans l’idolâtrie des choses et des hommes.
La critique de l’esprit c’est le début de l’Esprit.
Hegel montre que le problème de l’esprit c’est le problème de la philosophie. Pour Hegel, une vraie philosophie, c’est une expérience de la pensée vivante, qui est capable de se transformer pour arriver à des niveaux de sens de plus en plus élevés. C’est juste mais ce qui manque à Hegel, c’est l’expérience de ce qu’on peut appeler l’Esprit Saint.
Des penseurs comme Marx, Freud et Nietzsche posent la question de l’esprit et du tout vivant et disant que l’homme doit être remis dans le cadre vivant qui est le sien. Il y a trois cadres où l’homme doit être replacé, celui de l’inconscient, analysé par Freud, le cadre historique et social, analysé par Marx, et le cadre vivant qui est analysé par Nietzsche. Freud resitue l’homme dans la matérialité du corps, Marx le resitue dans la matérialité du social et Nietzsche dans la matérialité de l’évolution du vivant.
C’est bien, mais le problème c’est qu’ils s’arrêtent en route, car c’est bien de mettre l’homme dans le corps et dans l’inconscient, mais il faut également mettre l’inconscient dans le tout vivant. C’est bien de remettre l’homme dans la société, mais il faut que la société aille au-delà du tout vivant et il faut également que l’on sorte de l’évolution. Nous sommes aujourd’hui dans une crise spirituelle parce qu’on manipule trois choses qui sont des moyens spirituels puissants : Le corps et l’inconscient, la socialité, et l’évolution, seulement nous nous arrêtons là, ce qui fait que tout reste très « plat ».
Si on s’en tient à l’évolution, on est dans le passé de l’homme, de même la socialité doit être le début de quelque chose de spirituellement créateur, enfin le corps avec ses désirs doit être un tremplin pour aller au-delà. Sans cela, nous sommes prisonniers du corps, de la société et de la vie et nous sommes bloqués. Et ce qui nous bloque, c’est l’absence de l’Esprit Saint qui nous amène dans la sanctification.
L’Esprit dans la divine trinité.
Il ne faut pas confondre la sanctification et la sacralisation. La sacralisation c’est l’institution de limites entre le profane et le sacré, c‘est toujours quelque chose de violent car, ayant affaire à un monde violent, on introduit le sacré qui dit qu’on ne doit pas « toucher » à certaines choses et qu’on ne doit pas tout profaner. Cependant le sacré peut aussi s’enfermer s’il ne va pas dans la vie.
L’expérience spirituelle nous situe au-delà du sacré car, on ne se contente pas de refouler le profane et sa violence, mais on fait l’expérience de la VIE et de la sanctification. La sanctification est une expérience personnelle dans laquelle on arrive à des niveaux de communion spirituelle de plus en plus élevés et lumineux. La sainteté c’est le sacré sans son inconvénient qui est la violence de l’interdit. Avec la sainteté on rentre naturellement dans l’inviolable et dans la VIE, on accède à une « échelle initiatique » qui nous permet d’aller vers des niveaux de connaissance de plus en plus élevés jusqu’à la connaissance de Dieu.
La sainteté c’est l’expérience de Dieu et de l’ineffable en nous, qui nous amène à des niveaux de perception extraordinaires. Là nous comprenons ce que veut dire la présence de l’Esprit Saint dans la divine trinité. Si on ne voit pas le Père et le Fils avec les yeux de l’Esprit, on risque de les manquer tous les deux. L’expérience spirituelle nous révèle que Dieu est la totale nouveauté, on ne peut le ramener à rien de ce qui existe et on n’a aucun élément de comparaison. Cette expérience spirituelle qui c’est celle de la mort totale à l’image, nous met en face de la véritable connaissance. Et ceci est l’énorme surprise de la vie spirituelle.
Nous croyons qu’en perdant ce monde, nous perdons tout, ors nous comprenons qu’en perdant ce monde, nous ne perdons rien. Nous perdons un monde qui a l’habitude de se référer uniquement au passé ou à ce qui existe, sans réaliser qu’il existe un monde dont nous n’avons pas imagination. Toute personne qui a fait des expériences spirituelles, dit qu’elle s’est retrouvée dans des espaces totalement nouveaux. La spiritualité, c’est la radicale nouveauté.
Tout ce qui est dit dans la révélation de Dieu comme Dieu trinitaire est un cadeau qui nous est fait pour que nous comprenions ce que veut dire Dieu. Dieu est vivant, premièrement Il est la vie ineffable, deuxièmement Il est présent au monde et troisièmement Il doit être compris spirituellement, comme radicalement nouveau. Tout ce que nous pouvons dire de Dieu n’est rien par rapport à ce qu’est Dieu et tout ce que nous pouvons dire du Christ n’est rien par rapport à ce qu’Il est. Nous devons accepter d’entrer dans l’ultra vivant pour nous laisser inspirer par lui.
Je crois qu’en ayant ceci à l’esprit, on est dans l’éthique fondamentale, on est dans l’éthique créatrice. La seule chose qui soit créatrice, c’est la « mort / résurrection », c’est-à-dire la radicale nouveauté. Lorsque, dans la vie que je vis, j’accepte de ne rien être et de ne rien savoir, alors survient le vent de l’Esprit dont parle le Christ à Nicodème : « L’Esprit souffle ou il veut, nul ne sait d’où il vient et nul ne sait où il va. » et « Tout homme qui ne naîtra pas de l’Esprit ne pourra pas rentrer dans le royaume des cieux ». Si nous voulons rentrer dans le royaume des cieux, il faut accepter d’ouvrir totalement notre regard à cette totale nouveauté et si nous intégrons cette nouveauté dans notre regard, le monde devient le royaume des cieux. Tout est porteur d’une nouveauté et d’une singularité totalement extraordinaire.
(Merci à Emile de m'avoir transmis cet exposé.)