La prière du cœur (méditation)
SEIGNEUR JESUS-CHRIST, AIES PITIE DE MOI, PECHEUR.
(Merci à Mgr Martin)
La prière du cœur... Sous le plus petit volume de mots, la prière du cœur est l’instrument de travail le plus direct et le plus efficace. Imperceptible et salvatrice, elle semble l’exact contrepoids à l’âge de l’atome imperceptible, lui aussi, mais meurtrier : la loi des équilibres compensatoires joue à fond. Cette méthode « archaïque », « rétrograde » apparaît en réalité comme la plus appropriée à notre époque. Il est étonnant de penser que, quand bien même les chrétiens se verraient spoliés de tout le christianisme par suite des plus tragiques circonstances, leur resterait toujours le plus précieux des viatiques, la répétition du Nom, que rien ni personne ne pourrait leur enlever, aussi longtemps qu’ils seraient simplement doués d’une mémoire pour se souvenir et d’un cœur pour épeler Dieu... Supposons un instant que, perdu dans le désert, un homme se sache objectivement et irrémédiablement condamné, privé de toute confession, de toute parcelle eucharistique. Que peut faire un tel homme en une telle extrémité ?... Rien d’autre qu’invoquer le Nom, avec une confiance aimante, absolue, inconditionnelle, en Lui. Or Pascal l’a écrit : « On mourra seul » ; et, fût-il entouré de l’affection de tous les siens, tout mourant meurt dans un désert. C’est dire l’actualité de cette prière ; car non seulement nous mourons tous un peu chaque jour, mais c’est dans le plus redoutable des déserts spirituels. Bien plus, maintes traditions enseignent que celui qui meurt s’achemine vers ce à quoi il s’est identifié dans ses derniers moments. L’ultime image, l’ultime parole conditionnent toute la suite. Celui qui meurt en répétant le Nom divin a donc toutes les chances de rejoindre le Divin. C’est dire l’importance de l’enchaînement, durant cette vie-ci, de la prière jaculatoire, dont chaque formule est une flèche lancée dans le cœur de Dieu. Parfait instrument de réalisation, la prière du cœur est aussi l’activité la plus discrète qui soit, la plus clandestine peut-on dire... C’est là un autre aspect de sa modernité. Au-delà de tout culte extérieur, Eucharistie invisible et insaisissable, la prière du cœur peut à la limite tenir lieu d’Eglise : elle subsisterait intacte, non profanée, si le monde était réduit à l’état de ruines calcinée ou d’un Goulag planétaire. C’est à ce titre qu’elle apparaît d’une exceptionnelle opportunité. Car la prière du cœur a été divulguée précisément au moment où, en Occident, nos philosophes fourbissaient les armes de l’agnosticisme militant... N’est-il pas dit que toute « fin des temps » s’accompagne d’un dévoilement des secrets ? « Athos, la montagne transfigurée » de Jean Biès, Les Deux Océans, p .245-247