Les mots qui dérangent - 4. LE PÉCHÉ ORIGINEL

Publié le par Paroisse Lillois

Le thème des enseignements de notre journée d'entrée dans le carême était cette année: Les mots qui dérangent.  4 mots ont ainsi été présentés lors de cette journée:Le péché, La justice, l'ascèse, Le péché originel (le péché ancestral)

Aujourd'hui nous allons aborder le quatrième et dernier: LE PÉCHÉ ORIGINEL ou le PÉCHÉ ANCESTRAL

 

LE PÉCHÉ ORIGINEL

 

Et enfin pour terminer, je voudrais vous parler du Péché originel. (ancestral)

 

            « L’homme est un animal qui a reçu vocation de devenir Dieu » disait au 4ème Siècle saint Basile le grand.

Cette phrase résume bien la destinée de l’homme et sa nécessaire évolution. Et au XXIème siècle, la science n’a plus aucun doute à propos du caractère évolutif de l’humanité. Déjà Darwin au  XIXème siècle avait établi une théorie de l’évolution montrant que l’homme était le fruit d’une évolution venant d’un primate supérieur type orang-outang ou gorille.

L’origine de la vie sur terre remonte à 3,6…3,8 milliards d’années. Les recherches récentes ont tendance à montrer que le type ‘hominidé’ s’est différencié des chimpanzés il y a plusieurs millions d’années, et qu’il pourrait remonter à 7 millions d’années. La difficulté est de déterminer à partir de quand nous pouvons l’appeler ‘homme’.

L’origine de l’homo sapiens sur lequel semble s’accorder les dernières théories comme étant la filière d’où descend l’homme tel qu’anatomiquement nous le voyons aujourd’hui, remonterait à +/-300.000 ans. La génétique montre que l’on retrouve aussi dans nos gènes, des gènes de différentes espèces animales.

 

La création telle que décrite dans le livre de la Genèse semble donc percuter la réalité scientifique si nous voyons en Adam le premier homme fini duquel nous descendons. La création ne fut pas un processus accompli une fois pour toute en une semaine mais c’est un processus évolutif, progressif qui se continue encore aujourd’hui. 

Dans l’histoire de l’Eglise un malentendu a conduit  à une mauvaise interprétation du mot Adam. Lorsque le texte hébreu parle de’ ha-adam’ (l’Adam), il ne parle pas d’un individu singulier (Mr  Adam) mais c’est un substantif  qui signifie : l’être humain (l’homme et la femme), l'ensemble de l'humanité, au sens collectif. Les chapitres 2 et 3 de la Genèse ne nous enseignent pas l'histoire d'un ‘péché’ commis par un individu appelé " Adam ", mais ils veulent nous dire quelque chose sur l’évolution de l’être humain, pris dans son ensemble, sur l'humanité au sens collectif.

 

L’être humain a été créé par Dieu à son image et Dieu vit que cela était bon.

La nature de l’homme, la nature humaine est bonne, elle est l’œuvre de Dieu, alors pourquoi y a-t-il le mal dans le monde ? D’où est-il venu ? Question épineuse que des armées de philosophes et de théologiens ne cessent d’étudier et que nous n’aborderons pas dans cet exposé.   

        

Les philosophes ont deux points de vue sur la création.

Pour l’école de Platon, du dieu Premier va émaner un dieu second, le Fils de dieu, puis un troisième dieu, l’Âme du monde. Ensuite va émaner du dieu Premier des êtres humains spirituels sans corps. Tout ce petit monde est dans le paradis, c’est parfait, c’est la perfection, le monde des esprits, des idées. Mais Platon se rend compte qu’il y a une différence entre ce monde premier parfait et le monde dans lequel il vit qui est loin d’être parfait. On y souffre, on y meurt.

Il y a donc quelque chose qui s’est passé. A cause d’une ‘faute’, nous avons perdu le paradis, nous avons été expulsés et c’est la chute des âmes (entités spirituelles) dans le corps, la matière. La matière est donc l’adversaire du spirituel originel qui est divin. Personne n’échappe à cette faute originelle qui a eu lieu avant, on ne sait où. Et le monde présent est là comme une punition.

L’objectif de l’âme est alors de retrouver son état paradisiaque en se débarrassant de ce corps pesant et vil. Et plus la faute est importante plus la chute sera profonde dans une matière de plus en plus vile. Aristote tentera de rectifier la pensée de Platon en disant que l’âme ne chute pas dans le corps mais qu’elle construit le corps.

Nous savons aujourd’hui par les découvertes scientifiques qu’en plus de la matière, des atomes et molécules qui composent l’homme et qui est commun à tous, il y a dans le corps une information, un message génétique informé qui différencie chaque  homme, qui en fait un être unique.

 

         L’autre vision philosophique plus hébraïque a été de dire plutôt que d’une régression du monde d’un état paradisiaque à un état matériel, le monde se construit petit à petit du plus simple au plus complexe par étapes successives de maturation. La science aujourd’hui confirme cette vision.

         Pourquoi est-ce que je vous dis cela ?

Parce que l’interprétation de la Bible a été influencée au cours des siècles par ces deux visions philosophiques.

Est-ce que nous retrouvons la notion de chute dans la Bible ?  Et bien non.  La soi-disant chute dans la Bible fait suite à des interprétations erronées des textes bibliques influencées par les différents courants philosophiques. 

           

Pour les théologiens hébreux, l’être humain a été créé par Dieu pour le bonheur, il vivait dans un état ‘paradisiaque ‘où il ignorait la distinction entre le bon et le mauvais, le bien et le mal. Lorsque l’être humain a réalisé qu’il avait la possibilité de faire des choix conscients, il a choisi des voies qui sont venues  contrecarrer son épanouissement.

Ainsi, lorsque nous regardons un petit enfant, il est dans l’ignorance de ce qui est bon ou mauvais. Il est entièrement dans la confiance de l’amour de ses parents. Lorsqu’il accède à une maturité qui le met face à des choix, il va prendre conscience que son choix peut avoir une incidence bonne ou mauvaise sur lui et sur les autres.

Les théologiens hébreux enseignent ainsi à partir des premiers chapitres de la Genèse que l’être humain est responsable de son ‘malheur’. L’humanité n’est pas mauvaise par nature, elle n’a pas été créée mauvaise, mais l’être humain a une faculté, la liberté de choisir des options qui ne sont pas bonnes pour la vie.

 

Lorsque l’on a traduit le mot ‘Adam’ ou ‘ha-Adam’ de l’hébreu en grec, entre le 12ème siècle et le 11ème siècle avant notre ère, se fut, le plus souvent, en ‘anthrôpos’  qui signifie l’homme (l’être humain) dans son sens collectif. Mais certains passages sont restés avec ‘Adam’ qui a été alors retenu comme un nom propre. Bien plus tard, même Saint-Paul semble parfois avoir vu Adam comme un homme, un individu: «C'est pourquoi, comme par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et qu'ainsi la mort s'est étendue sur tous les hommes, parce que tous ont péché,... Cependant la mort a régné depuis Adam jusqu'à Moïse, même sur ceux qui n'avaient pas péché par une transgression semblable à celle d'Adam, lequel est la figure de celui qui devait venir. (Ro 5,12-14)» ou dans son épître aux Corinthiens : « Car, puisque la mort est venue par un homme, c'est aussi par un homme qu'est venue la résurrection des morts. (1Co15,21) »

Le Christ lui, ne parle jamais du péché d’Adam mais du ‘péché de l’homme’ ou du ‘péché du monde’.

        

Ce qui est intéressant, c’est de constater que Saint-Paul perçoit malgré tout cette notion d’évolution pour l’homme, d’un état ‘animal’ vers un état ‘spirituel’ : «C'est pourquoi il est écrit: Le premier homme, Adam, devint une âme vivante. Le dernier Adam est devenu un esprit vivifiant. Mais ce qui est spirituel n'est pas le premier, c'est ce qui est animal; ce qui est spirituel vient ensuite.(1Co15,45-46)» ou bien «…vous étant dépouillés du vieil homme et de ses œuvres, et ayant revêtu l'homme nouveau, qui se renouvelle, dans la connaissance, selon l'image de celui qui l'a créé. (Col3, 9-10)» ou encore « c'est en Jésus que vous avez été instruits à vous dépouiller, eu égard à votre vie passée, du vieil homme qui se corrompt par les convoitises trompeuses, à être renouvelés dans l'esprit de votre intelligence, et à revêtir l'homme nouveau, créé selon Dieu dans une justice et une sainteté que produit la vérité. (Ep4,22-24)»

L’homme nouveau dont il parle c’est le Christ et l’humanité qui est appelée à devenir semblable au Christ.

L’être humain, homme ou femme, est appelé à une évolution d’une humanité animale vers un être plus spirituel, un être humain nouveau divinisé.

 

         C’est le philosophe  Philon d’Alexandrie, un disciple et admirateur de Platon qui a vu dans le récit de la Genèse l’illustration de la chute décrite par Platon.  Pour lui, dans Genèse 1, Dieu crée un homme, une humanité d’avant la chute, céleste, spirituelle, parfaite, bonne et heureuse et une humanité après la chute dans Genèse 2 terrestre, matérielle et mortelle. Origène aura la même vision.

Il y a donc deux courants opposés qui ont interprétés la Bible suivant leurs visions philosophiques.  Une premier courant épousant les thèses de Platon et qui voit une chute dans la matière mauvaise et un courant hébreux qui voit une création où tout est bon, même la matière, où l’Homme à la faculté de choisir librement comment évoluer.

 Et certains courants théologiques influencés par Platon que l’on appellera les gnostiques vont continuer à voir d’abord un homme achevé parfait qui chute dans la matière mauvaise.

 

L’Eglise orthodoxe a combattu cette vision gnostique et principalement saint Irénée de Lyon au 2ème siècle qui écrit : « Nous croyons que le Dieu unique, trois fois saint, souhaite donner à l’Homme (l’humanité) l’immortalité et lui faire partager sa vie divine. »  L’Eglise appelle cela la Théosis. C’est le terme théologique de ce que le Christ nommera par les termes de : Royaume des cieux, Royaume de Dieu, l’union à Dieu, la divinisation, partager la vie divine, la sainteté, le paradis, le ciel,…

Dieu nous a fait inachevé  afin que nous participions librement à notre propre achèvement. Dieu opère et l’humanité coopère à son achèvement.

 

Saint Irénée ne parle pas du tout d’un péché originel, à juste titre d’ailleurs puisque dans la Bible l’expression de ‘péché originel’ ou ‘péché ancestral’ n’existe pas, ni même l’idée. On ne parle pas de chute, mais d’une mauvaise utilisation de la liberté de l’homme. Nous verrons plus loin comment la liberté de l’homme apparait aussi dans l’évolution.

         La traduction latine de la Bible n’a rien arrangé et a laissé le mot ‘Adam’ dans le texte latin là où le texte grec parlait d’Adam. Et les premiers conciles ont souvent suivis cette logique d’un homme comme le responsable du péché dans le monde.

C’est Saint-Augustin au 4ème siècle qui va réellement introduire la notion de péché originel.

Il avait pourtant eu une bonne intuition en disant que l’on peut connaître le Créateur par deux livres ; le livre de la révélation, (la Bible, A.T et N.T) et le livre de la nature, du monde, de l’univers autrement dit la création.

Plus nous avançons dans le développement de notre intelligence,  plus nous sommes à même de voir la beauté de la création, sa complexité, sa grandeur. Pour prendre un exemple, dans l’antiquité les astronomes Babyloniens et plus tard Claude Ptolémée (1er siècle) affirmaient que  la terre était le centre fixe de l’univers et que le soleil et les étoiles tournaient autour. Il faudra attendre le XVIème siècle avec Copernic et Kepler pour comprendre que la terre tourne autour du soleil. Newton au XVIIème siècle va établir les lois de la mécanique céleste, avec la gravitation universelle et au XXème siècle Einstein et Georges Lemaire vont ébaucher les lois qui régissent l’univers et sa naissance avec les théories de la relativité et du big bang. Et puis maintenant les découvertes de la physique quantique nous apportent encore une vision plus large sur la réalité de ces choses.

Les auteurs de la Bible ont exprimé une vision imagée et parfois poétique de leur compréhension de la création avec leurs connaissances du moment. Ils voulaient montrer comment Dieu agissait dans sa création mais avec leurs mots et leurs connaissances. L’intuition des auteurs de la Bible n’était pas mauvaise, simplement elle était en ligne avec leur connaissance du moment.

Aujourd’hui la connaissance scientifique permet d’expliquer de plus en plus la complexité de la création. La Foi et le livre de la révélation nous permettent de comprendre le but de cette création. Les deux approches (connaissance scientifique et Foi) sont donc invitées à coopérer.

Pour revenir à Saint-Augustin, au départ celui-ci veut répondre au moine Pélage(4ème siècle).

Pélage soutenait que l'homme pouvait, par sa seule volonté et son libre arbitre, ne pas pécher et se sauver.  Il s’opposait ainsi à la doctrine du péché originel de Saint-Augustin mais acceptait quand même la doctrine de ce que l’Eglise catholique appelle ‘les limbes’ pour les enfants morts sans baptême. Pour Pélage, les hommes ne doivent pas supporter le ‘péché originel’, le péché d’Adam, qui n’a eu de conséquences néfastes que pour Adam et pas pour ses descendants.

Saint-Augustin va s’appuyer sur les écrits de Saint-Paul qui, comme nous l’avons vu, voyait parfois en Adam un homme historique  et non pas l’humanité.

Saint-Augustin a construit sa théorie du péché originel commis à partir d’un seul homme en s’appuyant sur le passage de l’Epitre de Saint-Paul en Romains 5, 12 :«C'est pourquoi, comme par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et qu'ainsi la mort s'est étendue sur tous les hommes, parce que tous ont péché,... » Il écrivait dans ‘de libero arbitrio’ : « Ici se présente cette fameuse question, que les gens ont coutume de ruminer en murmurant entre eux, eux qui sont toujours disposés à accuser n'importe quoi, lorsqu'ils pêchent, plutôt qu'eux-mêmes.

Voici ce qu'ils disent : Si Adam et Ève ont péché, qu'est-ce que nous avons fait, nous malheureux, pour naître avec la cécité de l'ignorance, les tourments de la difficulté ? D'abord nous nous trompons sans savoir ce que nous devons faire; puis, lorsque les préceptes de la justice commencent à nous être découverts, nous voulons les accomplir, mais nous ne le pouvons pas, car nous sommes retenus par je ne sais quelle nécessité de la concupiscence charnelle » Autrement dit pour Saint Augustin, quoique nous fassions, Adam et Eve ont péché et nous en portons les conséquences malgré nous. Du fait même de notre naissance, nous avons hérité dans notre nature de la faute du premier homme et de la culpabilité.

 

Saint-Augustin voyait 3 conséquences de la ‘faute’ du premier homme.

En 1 : Tous sont damnés, nous constituons une masse de boue ( Massa Damnata) mais Dieu et Lui seul décide qui Il va sauver ou non. C’est la théorie de la Prédestination qui n’a pas été reconnue par l’Eglise au concile de Carthage en 418. Saint Thomas d’Aquin avait au 13ème  siècle, renforcé cette position  de l’Eglise prise au concile de Carthage : «Ce qui est naturel à l’homme, cela n’a été ni enlevé ni ajouté à l’homme à cause du péché» et « Si Dieu a communiqué aux êtres créés sa ressemblance quant à l’exister, il est normal qu’Il leur ait communiqué aussi sa ressemblance quant à l’agir, en sorte que les êtres créés puissent avoir leurs actions propres.»

 Bien plus tard Calvin et Luther (16ème siècle)  et Cornélius Jansénius (17ème  siècle) reviendront avec cette théorie que par la ‘chute’ d’Adam, la nature et l’essence de l’homme sont totalement corrompues. La volonté de l’homme et sa liberté sont ruinées à tout jamais et seule la grâce de Dieu peut les sauver. C’est-à-dire que quoique face l’homme, il ne peut être sauvé si Dieu ne le veut pas.

Le concile de Trente (1545-1563) va refuser le rôle de ‘marionnettes’ de l’être humain entre les mains de Dieu. «Dieu donne sa grâce à tous.  A cette grâce, les hommes donnent librement leur assentiment et ils coopèrent. Dieu touche le cœur de l’homme par l’illumination de l’Esprit-Saint… mais l’homme ne reste pas sans rien faire lorsqu’il reçoit cette illumination car il peut la rejeter

 

En 2 : La mort existe parce que le premier homme a péché. Ce point fut accepté par l’Eglise au concile de Carthage en 418. Et reste fort ancré dans nos têtes.

Aujourd’hui que peut-on dire avec les connaissances scientifiques que nous avons ? Est-ce que cette affirmation de Saint- Augustin est correcte ?

La mort physique n’est pas une conséquence d’une faute originelle, car depuis l’apparition de la vie physique sur terre (3.8 milliards d’années), les animaux, les singes et l’homme meurent. C’est une loi physique de la vie matérielle, de la nature et non une punition divine. Tout ce qui est formé est un jour déformé. Ce qui est assemblé est un jour désassemblé après avoir transmis la vie à un autre être.

La nature humaine est créée bonne et est mortelle depuis qu’elle existe. Et la Bible ne le contredit pas. En Genèse 3, 22 : «L’Éternel Dieu dit: «Voilà que l'homme est devenu comme l'un de nous pour la connaissance du bien et du mal. Maintenant, empêchons-le de tendre la main, de prendre aussi du fruit de l'arbre de Vie, d'en manger et de vivre éternellement!» Si c’est l’arbre de Vie qui permet à l’homme de devenir immortel et éternel, cela veut dire qu’il ne l’est pas encore, qu’il est mortel. Et l’arbre de Vie, c’est la vie en Christ. Quand Saint- Paul parle de la mort qui est liée au péché, c’est de la mort spirituelle dont il parle, cette mort qui nous éloigne de Dieu et de notre accomplissement divin, pas de la mort physique. 

Nous avons dans notre génome des caractéristiques, des gènes, des instructions écrites. Certaines remontent à nos ancêtres, à des formes de vie archaïque, animale. Nous venons des organismes monocellulaires et nous nous complexifions de générations en générations. Notre cerveau, notre intelligence se développent en ajoutant des couches de complexité supplémentaire.

 D’abord un cerveau reptilien et l’hypothalamus qui est responsable  de la gestion des fonctions essentielles comme la respiration, le rythme cardiaque, le contrôle de la température, le développement des cellules, le système endocrinien, etc… et qui a permis de développer un système de réflexes de survie, un instinct. Il est semblable à un programme automatique qui exécute des ordres sans réfléchir. (If this, then do that)

A ce premier cerveau est venu s’ajouter avec les mammifères un cortex limbique qui mémorise, joue un rôle important dans la gestion des états émotionnels et comportementaux et permet de prendre déjà des décisions.

Et enfin le néo-cortex qui a une capacité renforcée d’intelligence, d’analyse et de logique, de langage, de représentation spatiale, de concept abstrait, de commandes motrices volontaires et qui ouvre sur la conscience. 

         Je vous disais que nous ne savons pas encore précisément quand commence l’homme et par quels critères on peut le définir. Pour les Hébreux anciens leur vision était lorsqu’il a reçu de Dieu un souffle de vie«L'Éternel Dieu forma l'homme de la poussière de la terre, il souffla dans ses narines un souffle de vie et l'homme devint un être vivant.  (Gn 2,7)». Saint-Paul dira dans son Epitre aux Corinthiens: « le premier homme devient une Âme vivante (1Co 15,45)» C’est-à-dire capable de conscience, d’analyse. Les hébreux n’avaient pas nos connaissances scientifiques. Ils parlaient sous formes d’images pour indiquer un changement, un passage, une étape dans l’évolution.

Comment avec l’aide de la science actuelle peut-on interpréter cette image du souffle de vie ? Peut- être quand l’homme a été capable de réfléchir consciemment! L’image de l’arbre de la connaissance du bien et du mal peut être vue aussi comme la représentation de cette possibilité de franchir une étape dans le développement de l’homme. L’homme peut choisir consciemment ce qu’il fait. Il peut choisir de ne plus agir de façon instinctive  mais consciemment, en connaissance de cause.

         Pour l’homme cette liberté, est un grand risque  car il peut continuer à s’élever ou à se détruire. S’il a cette liberté, il est important qu’il ait un guide du bon usage de cette liberté. Et là, l’incarnation du Christ prend tout son sens. Et le livre de la révélation est là pour nous expliquer ‘le bon usage’ de cette liberté.

D’un point de vue biblique comme scientifique, les programmations que nous avons héritées du cerveau animal ne sont pas mauvaises. La Bible dit : ‘Dieu vit que cela était bon’ et n’est-ce pas ce cerveau reptilien et limbique qui nous a permis de survivre,  d’être encore là aujourd’hui.

Mais Saint-Paul nous invite à passer du vieil homme à l’homme nouveau qui est l’homme guidé par l’Esprit de Dieu.  Le Christ l’avait déjà dit dans son entretien avec Nicodème (Jn3, 3) : «nul, s’il ne naît d’en haut, ne peut voir le Royaume de Dieu.» L’homme ne doit pas revenir en arrière vers un état antérieur fœtal, comme le pense Nicodème, mais accoucher de sa part divine. Cet accouchement n’est possible qu’avec l’aide de Dieu. A nouveau, c’est à un travail commun avec Dieu que l’homme est appelé. 

Et en 3 : Tous ceux qui ne sont pas baptisés vont en enfer, même les bébés

Ce point aussi a été accepté au concile de Carthage avec cependant une atténuation pour les enfants non baptisés qui iront dans les limbes (un no man’s land entre l’enfer et le paradis.) On n’a pas les tourments de l’enfer mais pas non plus la plénitude de la vie avec Dieu. L’Eglise romaine se sent de plus en plus inconfortable avec cette assertion.

Nous pouvons dire qu’un bébé ou un petit enfant est né dans l’innocence, il ne peut pas encore discerner. Il vit de l’amour qu’il reçoit. Mais l’enfant porte en lui aussi le poids du passé.  L'enfant qui naît, dans une famille, un pays, une classe sociale, une caste, une race, reçoit de son milieu, du sous-ensemble humain dans lequel il est né, des informations, des idées, des préjugés, une vision du monde. Génétiquement, psychologiquement,  l'enfant qui naît n'est pas un commencement absolu, une page blanche. Il hérite d'une longue tradition.

Cependant, dans l’Evangile le Christ par deux fois va dire que le Royaume des Cieux, (qui est ce que l’Eglise orthodoxe appelle la Théosis c’-à-d. participer à la vie divine de Dieu), est pour les petits enfants: «Je vous le dis en vérité, si vous ne vous convertissez et si vous ne devenez comme les petits enfants, vous n'entrerez pas dans le Royaume des Cieux(Mt 18,3)» et: «Laissez les petits enfants, et ne les empêchez pas de venir à moi; car le Royaume des Cieux est pour ceux qui leur ressemblent. (Mt 19,14) 

 Oui, un enfant qui naît à la potentialité d’un jour être capable de choisir librement. Mais il doit d’abord développer et éduquer son néo-cortex. Pendant tout un  temps c’est essentiellement ses deux autres cerveaux qui fonctionnent et le font vivre.

Il est difficile de concilier ces paroles  du Christ avec une damnation des enfants même non baptisés. L’enfant ne peut pécher tant qu’il n’est pas en mesure de prendre conscience de son acte. Bien que certains voient dans l’idée du péché originel le poids du passé sur son développement personnel.  

 

Le baptême est une grâce qui est donnée par Dieu à ceux qui veulent vivre une transformation, une évolution conforme à ce que recommande saint Paul pour aller vers la sanctification, la Théosis, l’état de vie éternelle avec le Christ.

L’Eglise avec un grand E, pas les églises institutions, est l’assemblée de ceux qui veulent vivre cette métamorphose. Le baptême est une adhésion libre à l’Eglise (toujours avec un grand E) c’est-à-dire au corps mystique du Christ, pas à une institution. Nous devenons membres d’un corps dont la tête, celui qui guide, est le Christ. « Vous êtes le corps de Christ (1Co 12,27)» 

Lorsque le Christ dit à Nicodème : « Je te le dis, si un homme ne naît d'eau et d'Esprit, il ne peut entrer dans le Royaume de Dieu. (Jn 3,3) ».Il nous  invite à nettoyer nos vieilles programmations et à les transformer en mode de vie conformes à l’Esprit d’amour de Dieu.

Nous sommes en droit maintenant de nous poser la question : Est-ce que le ‘péché originel’ est un péché au sens que nous avons vu au début dans le premier exposé? C’est-à-dire : ‘Tout ce qui vient contrecarrer cette entreprise de finalisation d'un être divinisable’. Est-ce que cela a même un sens de parler de péché originel ? Ou est-ce les premières couches de son développement ancestrales, qui agissent toujours en l’homme et qui lui donne ainsi une potentialité latente de faire un mauvais usage de sa liberté? Un mauvais usage, c’est-à-dire  utiliser sa liberté non pour s’élever toujours plus vers la ressemblance avec Dieu, mais pour s’éloigner de Dieu. Une potentialité signifie que ce n’est pas automatique, qu’elle peut être activée ou non.

Nous pouvons aussi aller plus loin. Le Christ en tant qu’homme à 100%  a-t-il un ‘péché originel’ ?

Si c’est un péché au sens augustinien de ‘faute’, alors il y a un problème avec la personne du Christ. Il ne serait plus 100% homme puisqu’il est dit ‘sans péché’. Et je comprends alors pourquoi l’Eglise a introduit aussi le dogme de l’Immaculée Conception.

Si le péché originel est une potentialité de faire un mauvais usage de la liberté laissée à l’homme de coopérer à sa sanctification, il n’y a plus aucun problème. Le Christ est venu dans sa création en prenant à 100% la nature humaine de sa créature, nature qui dans son essence est bonne. Il vit avec cette potentialité de mauvais usage mais ne l’active jamais. Le récit de la tentation de Jésus au désert prend son sens.  Il vient montrer à l’homme comment faire bon usage de sa liberté en vivant cette liberté dans toutes les strates de la nature humaine.  

          On pourrait aussi se poser la question : Pourquoi Dieu n’a-t’ il pas créé. l’homme immédiatement achevé, un autre Dieu quoi ? Parce que l’homme n’a pas la nature divine. Seul Dieu l’a.

Et peut-être simplement parce que la création n’est pas encore finie, qu’elle se continue encore aujourd’hui et que Dieu donne à l’homme à chaque instant, la faculté de la terminer avec Lui. Nous pourrions reprendre l’image d’un enfant. Lorsqu’il naît, il n’est pas achevé, il doit encore grandir. Il n’est pas capable de manger un cassoulet, ou un spaghetti ; il n’est pas capable d’étudier et d’expliquer la théorie de la relativité. Il devra grandir et apprendre, expérimenter tout ça, quand il aura atteint un état de développement qui lui permette de faire l’expérience. Dieu aurait pu tout donner à l’homme dès le début mais ce n’était plus de l’amour parce qu’il n’y avait plus de liberté, de libre choix pour l’homme d’adhérer à l’invitation de Dieu de devenir semblable à Lui. La perfection n’était pas au début de l’homme, mais est le but qu’il a devant lui. L’information du Créateur n’est plus transmise uniquement par notre ADN, mais l’homme peut librement choisir de la modifier, de l’adapter sous la guidance du Christ et de l’Esprit de Dieu ou malheureusement de la dévier selon son orgueil.

         Je voudrais terminer par cet écrit de Claude Tresmontant tiré de ‘Introduction à la théologie Chrétienne’  -dont je me suis entre-autres inspiré pour préparer cet exposé,-  à propos de la liberté de l’homme :

 « Le christianisme, par sa programmation nouvelle, entre en conflit non seulement avec les programmations biologiques que l’on peut considérer comme naturelles, et qui sont à dépasser par l’homme pour qu’il devienne ce qu’il est invité à devenir…L’homme ou la femme qui prennent la décision d’entrer dans le système de vie et de pensée que constitue le christianisme, qui veulent adopter cette nouvelle normative que constitue le christianisme, devront donc renoncer délibérément et consciemment aux anciennes normes, aux anciens systèmes de valeurs. Le déchirement sera forcément grand. L’apôtre Paul oppose ainsi ce qu’il appelle «l’homme ancien » à «l’homme nouveau » . Devenir chrétien, c’est devenir une créature nouvelle, informée, créée par une programmation nouvelle fournie par l’enseignement du verbe incarné… Le risque de perdition n’est pas quelque chose que l’on puisse éliminer de la doctrine chrétienne. Puisque l’humanité n’est pas achevée, puisqu’elle est en train de se former, puisqu’elle peut coopérer à cette formation mais aussi bien s’y opposer, il est possible que cette œuvre échoue, et que l’humanité avorte, comme l’enfant que l’on tue dans le ventre de sa mère avant qu’il ne soit complètement formé »

 

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P
Peut-être vaudrait-il mieux lire plutôt dans "Le Message Retrouvé" de Louis Cattiaux : "Hélas ! Combien croient encore au sauvetage spirituel et corporel de l'homme exilé ici-bas, puisque plus personne ne croit même à la chute antique ?" (Livre XXXVII, verset 44')
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